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d’offrir une vue d’ensemble de l’art bouddhique, à travers les pays qui embrassèrent tour à tour la doctrine de la Compassion et de la Délivrance. Il s’agissait d’éclairer par quelques exemples l’histoire d’un des plus vastes mouvemens religieux du monde ; il s’agissait de faire comprendre la forme sous laquelle des centaines de millions d’hommes, des empires, des peuples entiers, parfois anéantis, sous la jungle tropicale ou sur les altitudes glacées des plateaux de l’Asie, se sont figuré le divin, comment le même idéal s’est modifié selon les mœurs, les climats, les tempéramens, ce que chaque nation y a ajouté du sien, et comment enfin toutes ces nuances se reflètent dans les images que chacun de ces peuples s’est faites de ses dieux : perspectives indéfinies, riche paysage intellectuel, magnifique horizon de races et de siècles…

Sans doute, une pareille ambition déborde infiniment les ressources dont nous disposons. Qu’on imagine une société de dilettantes chinois, de mandarins curieux des choses européennes se proposant, à Pékin, une exposition de l’art chrétien : c’est ce que nous essayons à l’égard de l’Asie. Fallait-il renoncer à l’entreprise ? Non pas ! Ce que nous avons est peu : c’est pourtant beaucoup plus qu’on ne pouvait espérer. Les amateurs, depuis quinze ans, ont fait bien des progrès. Les antiquités vénérables, les débris augustes des vieux siècles ne manquent pas à leurs collections. L’Alokiteçvara de bronze, de six mètres de haut, qui encombre de sa forêt de bras et de sa pyramide de têtes l’escalier du musée, la Kouan-Yin de pierre et l’admirable stèle prêtées par M. Worch, sont en France une révélation. Jamais l’art oriental n’avait été encore représenté chez nous par des exemplaires d’un tel choix ou d’une telle qualité.

Il va sans dire que je ne songe pas à passer en revue tous les aspects que les œuvres exposées nous présentent du bouddhisme. Je me bornerai aux faits saillans et aux traits essentiels. Je ne dirai rien, d’ailleurs, qui ne soit connu du lecteur familier avec les livres classiques du Dr Grünwedel et de M. Alfred Foucher.. Il ne sera pourtant pas inutile de les résumer, à propos d’une Exposition qui en offre le commentaire ou l’illustration raisonnes. On a moins cherché en effet à nous surprendre par du nouveau, qu’à mettre de l’ordre dans nos idées. On a voulu montrer que l’art religieux de l’Orient dérive tout entier d’un principe commun, reconnaissable jusque dans ses manifestations