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n’étant pas indéfiniment large et extensif, il y aura bien encore un peu et beaucoup d’hérédité, et il y aura des familles « parlementaires » dans le sens nouveau du mot, comme il y avait des familles parlementaires dans le sens ancien du vocable.

Beaucoup plus forte que les anciennes, parce que, représentant le peuple, elle sera le peuple visible, elle se considérera et sera considérée comme le peuple, se dira le peuple souverain et ne faisant que sa volonté et non celle du peuple (cela se voit déjà dans l’Assemblée nationale qui ne tient pas le moindre compte des Cahiers de ses commettans et rit quand on lui en parle), elle gouvernera, non comme un ordre qui n’est jamais qu’une fonction de la nation, mais comme le peuple tout entier, comme le peuple souverain, qu’elle ne sera point du tout.

Plus limitatrice des pouvoirs du Roi ; car, se considérant et étant considérée comme étant le peuple, elle sera le souverain en face du Roi et tiendra le Roi pour simple chef du pouvoir exécutif et c’est-à-dire pour son ministre subordonné, obéissant, ou qui doit l’être ; d’autant plus que les ministres étant responsables et le Roi ne l’étant pas, entre l’Assemblée souveraine et les ministres, pouvoir exécutif responsable, le Roi ne sera plus rien qu’un personnage décoratif et un président des fêtes nationales.

Plus limitatrice des droits du peuple, parce que les ordres n’avaient chacun qu’une fraction très limitée du pouvoir, chacun étant limité par le Roi d’abord et par les autres ordres ensuite, tandis que l’Assemblée nationale ramassera en elle tous les pouvoirs possibles, n’étant laissé au peuple que le pouvoir, très limité par la force des choses, de la renouveler périodiquement.

En un mot, le nouveau régime n’est pas autre chose qu’une royauté et plusieurs aristocraties remplacées par une aristocratie unique.

Mirabeau a parfaitement senti ou pressenti toute l’objection, et c’est pour cela qu’il a voulu partager le pouvoir législatif entre l’Assemblée et le Roi par le moyen du veto, le Roi, par le veto, pouvant s’opposer à une volonté législative de l’Assemblée législative.

Avec le veto l’Assemblée législative ne fait que les lois que le Roi permet qu’elle fasse ; elle n’est plus législateur sans appel ;