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a cherché et qu’on a cru trouver dans les pouvoirs intermédiaires entre le peuple et le Roi, il la faut, elle est nécessaire ; mais ce n’est pas dans les pouvoirs intermédiaires qu’il faut la chercher ni qu’on la trouve, c’est dans la loi.

C’est ainsi qu’entre le Roi et le peuple, il y aura un intermédiaire qui ne sera pas un fossé, ni un mur fortifié, mais un lien moral ; qu’entre le Roi et le peuple, il y aura une communication perpétuelle et une communauté de volontés et de bonnes volontés.

Quelles seront ces lois, tout au moins ces lois générales ? Elles seront, en leur ensemble, l’application du principe de la souveraineté immanente du peuple, le peuple étant maître de lui, et le Roi n’étant que son « premier magistrat. » Elles établiront que le peuple ne paiera jamais que l’impôt qu’il aura consenti, ce qui est la première condition de la liberté nationale et l’essentielle différence entre la royauté légale et le despotisme ; elles établiront la liberté individuelle des citoyens ; elles établiront la liberté de la presse, garantie de la liberté individuelle et assurance contre les caprices arbitraires du pouvoir central ; elles établiront la responsabilité des ministres, « seule base de l’inviolable respect de l’autorité royale ; » elles formeront, de la sorte, une constitution « analogue à celle de l’Angleterre, » moins les aristocraties que le Royaume-Uni a conservées.

C’est ainsi que la royauté sera, non dépossédée, mais fortifiée et consolidée.

Mirabeau insiste toujours sur ce point. La Révolution, telle qu’il l’entend, est inattaquable, ne doit pas être attaquée et l’on ne doit pas essayer de rebrousser à l’encontre d’elle, mais elle a été faite au profit véritable de la royauté, et, à réagir contre elle, la royauté réagirait contre soi-même. A reprendre le pouvoir absolu, elle se replacerait dans cet isolement funeste où la moindre commotion populaire peut la renverser et la détruire ; à essayer d’une combinaison des corps privilégiés partageant le pouvoir avec elle, elle créerait une république aristocratique qui serait le foyer de la plus active tyrannie ; à supprimer toutes les aristocraties et en se « coalisant » avec le peuple, mais en se coalisant avec lui d’une façon permanente, régulière, systématique, organique, constitutionnelle, elle inaugure et elle fonde la monarchie véritable, et elle garantit la révolution et la révolution la garantit.