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maladroit, le gouvernement qui rendrait la France parlementaire [gouvernée par les parlements]. » Il faut que quelque chose mette fin « aux menées et aux conspirations de ces corps implacables » qui ne profitent de l’horreur qu’inspirent certains despotismes ministériels et ne se posent en défenseurs des libertés publiques que pour acquérir ou perpétuer une usurpation et une suprématie intolérables.

Il est adversaire de l’autorité (pourtant si faible alors) de la noblesse et du clergé parce que ces ordres de l’État ont une autorité disproportionnée à leur importance, parce que, placés entre le Roi et la nation, ils empêchent le Roi de se « coalitionner avec ses peuples » et entre lui et eux ne sont pas des intermédiaires, comme disait Montesquieu, mais des fossés, de sorte que le Roi est isolé et n’a de contact qu’avec ceux qui veulent partager son pouvoir, et c’est-à-dire avec ses ennemis.

Il est hostile au grand clergé, archevêques, évêques, parce qu’ils sont un corps aristocratique qui limite, lui aussi, l’autorité du Roi et peut-être sa puissance de mal faire, mais assurément sa puissance de faire le bien ; mais, quoique absolument irréligieux, il est, si l’on me permet le mot, curiste, ami et défenseur du petit clergé, des curés, des vicaires, des desservans, parce qu’il sait très bien que ceux-ci sont peuple, sont très dévoués au peuple et ne s’appuient sur une aristocratie ou sur une autre que quand on a la sottise, par horreur bête ou vicieuse de la religion elle-même, de les persécuter.

Que veut-il donc ? La monarchie absolue ?

Point du tout. Je le comparerais, d’un peu loin, à Malebranche, qui n’admettait pas que Dieu agît par des volontés particulières, et qui assurait qu’il agit toujours par des volontés générales, c’est-à-dire par des lois. La royauté agissant par des volontés particulières, qui du reste très souvent ne sont pas les siennes, mais celles des ministres, c’est la monarchie arbitraire ; la royauté agissant par des volontés générales qui sont des lois, c’est la vraie monarchie, c’est quelque chose comme la monarchie divine.

Les lois ont cela de bienfaisant qu’elles limitent celui qui les exécute en le fortifiant ; qu’elles sont à la fois ce qui l’empêche d’errer et ce qui lui donne une puissance que sans elles il n’aurait pas et un caractère sacré qu’elles renouvellent et que sans elles il finirait par perdre. Cette limite au caprice royal que l’on