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SUR MIRABEAU


I

M. Louis Barthou a écrit sur Mirabeau un très beau livre[1], clair, sobre, ferme, bien ordonné, d’une lucidité historique et politique à n’y rien souhaiter, nullement oratoire, ce qui témoigne, en un tel sujet, d’une maîtrise de soi extraordinaire, grave comme un rapport, mais, pour ce qui est du récit des faits et de la peinture des scènes, très animé et très vivant ; un livre où l’on sent l’homme politique à la facilité avec laquelle l’auteur se démêle et se débrouille dans les labyrinthes de l’histoire parlementaire, extrêmement mesuré, quoique sans faiblesse, dans l’appréciation du héros, enrichi d’inédits bien compris et non surfaits, ce qui est rare ; un livre d’histoire, enfin, qui est un livre d’historien, ce qui n’est pas commun non plus.

Je serai bref sur la biographie privée de Mirabeau avant 1789. On a tout dit sur elle et il ne reste plus qu’à l’abréger. C’est ce que M. Barthou a fait, mais je souhaiterais qu’il l’eût fait encore plus et qu’il eût insisté davantage sur les écrits de Mirabeau, en en donnant cette analyse succincte, mais complète, qu’il eût si bien faite, qu’il aurait eu plaisir à faire, et qui eût été si attrayante et si instructive.

On néglige trop Mirabeau auteur. Mirabeau auteur, c’est tout le XVIIIe siècle repensé par l’homme qui avait le plus de passé dans la mémoire et le plus d’avenir dans l’esprit. C’est Mirabeau se préparant, à tout hasard, à une œuvre politique et sociale qu’il sentait qui pouvait être immense et pour laquelle il voulait être prêt de toutes les manières.

  1. Mirabeau, par M. Louis Barthou, 1 vol. in-8 ; Hachette.