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— Eh bien ! c’est convenu, nous irons ensemble, c’est charmant, nous arrangerons pour nous une petite partie sans rien dire aux autres ; mais où irons-nous ?

— Je voudrais voir le Bosquet du Roi, la Roche qui pleure et cette autre qui rit. Je ne les ai pas encore vus.

— Il faut voir cela, en effet ; c’est une bien bonne idée, nous irons en char à bancs, vous, Gérard et moi ; invitez quelques dames que nous placerons sur la seconde banquette ; pour les autres, n’est-ce pas, il nous importe peu de savoir comment elles seront occupées.

— Ce sera, dis-je, comme Monseigneur voudra.,

— Non, comte, ce sera comme vous voudrez, car c’est à moi de vous faire les honneurs ; nous nous trouverons à deux heures dans la salle Henri IV, je vous y attendrai.

A la promenade de la Reine, dans le jardin anglais, il n’y avait en fait d’hommes, en dehors des personnes de la Cour, que l’ambassadeur d’Espagne et moi. J’ai exprimé à l’ambassadeur mon étonnement de le voir ici, alors que je le croyais à la chasse.

— Mais, comment, je déteste la chasse, moi ! me dit le duc, c’est M. Thiers qui a voulu m’y faire aller ; Dieu m’en préserve !

De très élégantes barques dorées, pavoisées et recouvertes de riches baldaquins nous transportèrent sur le bel étang de François Ier, du rivage au pavillon qui se trouve au milieu de cette belle pièce d’eau. C’est dans ce pavillon, à ce qu’on prétend, que Charles IX décida la Saint-Barthélémy, avec Catherine de Médicis. Nous avons abordé sur la partie de la terrasse qui est de forme elliptique ; dans l’intérieur du pavillon, on avait dressé une table avec un petit goûter ; en outre, il y avait des corbeilles remplies de pain coupé en petits morceaux pour en jeter aux carpes monstres qui peuplent l’étang en quantité prodigieuse. Elles se sont fait attendre assez longtemps. La princesse Louise, un peu contrariée de ne pas les voir arriver, se tourne vers le général Athalin et lui dit assez haut pour que l’ambassadrice et moi nous l’ayons entendue, ce qui probablement n’était pas son intention :

— Elles ne veulent donc pas venir, ces carpes ; je les soupçonne d’être carlistes.

Toutes nos belles dames avaient si peur de se fatiguer et de