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a son revenant ; je suis sûr, comte Rodolphe, que vous savez beaucoup de ces contes, poursuivit le Roi, et je vous préviens que Montpensier ne vous laissera pas partir de Fontainebleau sans que vous lui en racontiez un, c’est tout ce qu’il aime.

— Auriez-vous cette bonté ? me dit le prince en s’approchant ?

— Ne vous l’ai-je pas dit ? reprit Sa Majesté. Le voici. Vous n’y échapperez plus.

— Je ne demande pas mieux, Sire ; je serai enchanté d’être agréable à M. de Montpensier ; mais avec tant de plaisirs qui se suivent ici coup sur coup, il me serait assez difficile de trouver un moment.

Nous fûmes interrompus par le maître d’hôtel qui avait l’honneur d’avertir le Roi qu’il était servi. Après le déjeuner, je suis allé avec le Duc d’Aumale et quelques dames au jeu de paume pour voir les deux plus fameux joueurs de France. L’année dernière, ils ont battu à Londres toutes les célébrités du genre. Ces deux virtuoses étaient payés par le Roi pendant son séjour à Fontainebleau, afin de jouer depuis midi jusqu’à deux heures avec qui voudrait se mesurer avec eux. Plusieurs jeunes gens de notre société, qui avaient envie de tenter une partie, se sont retirés après les avoir vus jouer ensemble avec une précision rare, un coup d’œil incomparable.

M. de Montpensier, lorsqu’il a su que je n’étais pas de la partie à cheval du Duc d’Aumale, m’avait invité ainsi que l’ambassadeur d’Espagne à chasser dans le parc. Je l’ai remercié en ajoutant que je n’étais pas de la partie à cheval pour ne pas me fatiguer à cause du grand bal qui aurait lieu le soir et que la chasse n’était certes pas un moyen de repos.

— D’ailleurs, lui dis-je, je compte faire une promenade dans le jardin avec la Reine et ces dames, elles ont bien voulu m’y engager.

Pendant que je parlais, le Duc de Montpensier me prend le bras et me demande ce que je comptais faire après la promenade de la Reine. Je lui dis que je n’avais pas de projet bien arrêté, mais que j’aimerais assez faire une promenade en voiture dans la forêt.

— Bon, me dit le Duc, je vous y accompagnerai.

— C’est-à-dire, dis-je, c’est moi qui aurai l’honneur de vous y accompagner...