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de Louis XIV exactement dans l’état où ce monarque l’a laissé. Nous avons été assez heureux pour retrouver la tenture de sa chambre à coucher qu’avaient brodée les demoiselles de Saint-Cyr, et mise en gage pour 80 000 francs chez un banquier de Francfort ; de même le lit, qui a été retrouvé et racheté à Turin. Tous les meubles de cette chambre sont les mêmes qui ont servi à Louis XIV ; ils ont été remis à la place où ils étaient autrefois. On a trouvé dans le garde-meuble du Roi une petite peinture du temps, représentant en détail cette chambre et c’est d’après ce tableau que tout a été reconstitué. On a apporté les mêmes soins dans la reconstitution des appartemens de Louis XV, de Louis XVI et de Marie-Antoinette.

Lorsque M. de Montalivet eut fini de me donner ces détails, je me permis de lui dire que ce que je trouvais de plus remarquable dans la pensée du Roi, indépendamment de la volonté qu’il révélait de conserver à la France un monument devenu national, c’est qu’il était visiblement inspiré par le désir d’apprendre aux Français qu’en dépit des dissentimens politiques, les grands souvenirs de leur histoire sont un patrimoine que les générations doivent se transmettre sans en rien renier, la gloire du passé contribuant à celle du présent et de l’avenir. : J’ajoutai que Sa Majesté, en reconstituant le palais de Versailles, avait voulu sans doute guérir les Français de leur goût pour le changement, et en flattant l’amour-propre national, leur communiquer le goût de la conservation.

— C’est cette considération, je suppose, dis-je en finissant, qui a fait concevoir au Roi un projet que Napoléon lui-même avait jugé trop vaste pour l’entreprendre et qui l’a décidé à l’exécuter en si peu de temps.

M. de Montalivet parut frappé de mes réflexions, et même surpris de me voir pénétrer aussi avant dans la pensée intime du Roi. Il me demanda si quelqu’un m’avait déjà fait cette réflexion : je l’assurai du contraire, et notre entretien en resta là.

Il est dans le monde des choses de convenance, des coutumes ennuyeuses dont nous pâtissons tous plus ou moins et que la politesse nous condamne à subir. Il faut avant tout être poli ; il est impardonnable d’être ennuyeux, mais il est plus impardonnable encore d’être impoli. Je range parmi ces coutumes certaines phrases banales qu’il faut dire et, ce qui est plus pénible encore, qu’il faut écouter et auxquelles il faut