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toutes les voitures les unes après les autres : celle de la Reine d’abord, elle y fit monter les ambassadrices, puis celle du Roi, qui se chargea des ambassadeurs, puis celle des princesses, qui firent les honneurs aux jeunes personnes et aux jeunes femmes, puis celle de Madame Adélaïde, à laquelle les vieilles dames tombèrent en partage et cinq autres, enfin toutes à six chevaux, Rodolphe II, Jules, moi et la plupart des jeunes gens montèrent à cheval ; nous étions une trentaine à peu près.

Le comte Strada, écuyer du Roi auquel nous étions fortement recommandés par Sa Majesté, m’avait destiné un charmant petit cheval ; mais le colonel Caradoc (lord Howden) avait trouvé bon de le prendre pour lui, et il me tomba en partage un énorme cheval si haut que le comte Strada fut obligé de m’aider pour monter. Une fois dessus, ce furent des cabrioles, des sauts énormes ; le bruit des tambours, des voitures, les cris de : Vive le Roi ! la quantité de cavaliers, de piqueurs, de palefreniers, de grooms, etc., tout cela augmenta encore la pétulance de nos chevaux. Le mien faisait des gambades, se dressait sur ses jambes de derrière, se lançait en l’air, ce qui fit dire à lady Granville :

— Mais, mon Dieu, Rodolphe a l’air d’un Centaure.

Nous passâmes ainsi par les trois cours jusque dans le parc au milieu des étangs. Rodolphe II venait de me quitter pour voir ce qui se passait devant nous, — du moins, je le croyais, — mais, bientôt, comme je m’approchais de la voiture du Roi, l’ambassadeur tout pâle me dit :

— Le cheval de Rodolphe s’emporte.

En même temps, Fullerton s’écrie :

— Le voilà par terre et le cheval qui se sauve.

Le Roi ordonna à son cocher de suivre, tandis qu’il me dit d’arrêter la suite des voitures pour ne pas augmenter la confusion. Cependant, avant que j’eusse eu le temps de prendre un parti quelconque pour rassurer la mère de Rodolphe, il s’était déjà relevé ; il avait pris un autre cheval et accourait au grand galop droit à la voiture de la Reine pour faire ses excuses à Sa Majesté et pour rassurer sa mère. Bientôt on reprit la promenade.

A un certain endroit, dans la forêt, la commune d’un village des environs avait érigé une espèce d’arc de triomphe en fleurs et feuillage ; un vieillard offrit au Roi, au nom de la commune, une corbeille remplie d’énormes poires ; celle du milieu,