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Bonaparte signa sur cette table, le 11 avril 1814, l’acte d’abdication comme empereur des Français dans le second cabinet du Roi.

— Le roi Louis XVIII, nous dit M. de Montalivet en prenant la parole, ayant visité ce château avec S. M. Louis-Philippe, alors Duc d’Orléans, il fut question de cette table. Le Roi demanda à la voir et la fit placer dans cette chambre où elle se trouve depuis : « — Afin, dit-il au Duc d’Orléans, que ce détail ne tombe pas dans l’oubli, je compte faire faire une inscription sur ce meuble devenu historique, j’y penserai. » Quelques mois après, on apporta cette plaque de bronze de Paris et elle fut placée comme vous voyez. Le Duc d’Orléans en eut connaissance et ne cacha pas au Roi qu’il ne la trouvait pas de son goût, sur quoi Louis XVIII lui répondit : « — Voyez-vous, mon cousin, vous n’avez jamais compris et vous ne comprendrez jamais ces choses-là. »

MM. Thiers et Duchatel écoutaient ces détails avec intérêt et rirent de la petite faiblesse de l’auteur de la Charte.

‘— Allez, mon cher Aumale, continuez votre course et prenez Tonton avec vous, dit la Reine à son fils. Et puis se tournant vers moi : — Il me semble que la comtesse est fatiguée, je resterai ici avec elle, oui, ma chère, nous n’avons pas trop de force à nous deux ; laissons-les aller voir le reste, vous avez vu ce qu’il y a de plus intéressant. Allez, messieurs, et laissez-moi ici avec la comtesse Apponyi.

Dans la salle du trône, autrefois la chambre à coucher de Louis XIV, dont le plafond est une des plus belles choses que l’on puisse voir dans ce genre, j’exprimai au Duc d’Aumale mes regrets d’abord que Napoléon lui eût donné une autre destination, mais surtout qu’il eût fait faire des portes dans le style grec que rien autre ne rappelle dans cette superbe pièce,

— Vous avez raison, me répliqua le prince ; Bonaparte a commis là une très grande faute contre le bon goût, mais il n’est pas moins vrai qu’il a eu celui de laisser les fleurs de lis : en voilà partout, comme vous voyez.

Cette phrase dans la bouche du fils de Louis-Philippe m’étonna, mais je m’abstins de le faire remarquer. :

A deux heures, nous étions tous réunis dans le salon de la Reine pour faire ensuite la grande promenade dans la forêt, à cheval et en voiture. Nous descendîmes par le grand escalier de la cour du Cheval-Blanc ; au bas de cet escalier avancèrent