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dont voici le texte : « Les Puissances alliées ayant proclamé que l’Empereur était le seul obstacle au rétablissement de la paix en Europe, l’Empereur, fidèle à son serment, déclare qu’il renonce pour lui et ses enfans aux trônes de France et d’Italie et qu’il n’est aucun sacrifice, même celui de la vie, qu’il ne soit prêt à faire aux intérêts de la France. »

Parmi nous se trouvaient, outre le baron Fain, le colonel Gourgaud, Anatole de Montesquiou et le général Athalin qui avaient été témoins des adieux de l’Empereur. ;

— Les voitures de voyage, me dit M. Athalin, étaient déjà rangées dans la cour du Cheval-Blanc. La garde impériale prit les armes et forma la haie. À une heure. Napoléon sortit de cet appartement ; il nous trouva rangés sur son passage ; nous étions tout ce qui lui restait de sa Cour, la plus nombreuse et la plus brillante de l’Europe. Ce furent le duc de Bassano, le général Belliard, le colonel de Bussy, le colonel Anatole de Montesquiou, le comte de Turenne, le général Fuler, le baron de Mesgrigny, le colonel Gourgaud, encore un qui se trouve en ce moment parmi nous, le baron de La Place, le baron Le Lorgne d’Ideville, le chevalier Jouanne, le général Corsakowski, le colonel Vonsowitch, le baron Fain et moi. Napoléon tendit la main à chacun de nous, puis descendit vivement l’escalier et, dépassant le rang des voitures, s’avança vers la Garde. Il fit signe qu’il voulait parler ; tout le monde dans le silence le plus religieux écouta ses dernières paroles… Ce silence n’était troublé que par les sanglots des soldats. Napoléon, dont l’émotion était visible, fit un effort et reprit d’une voix ferme : « Adieu encore une fois, mes vieux compagnons I que ce dernier baiser passe dans vos cœurs ! » Et il embrassa le drapeau que le général Petit lui présenta. S’arrachant alors au groupe que nous formions autour de lui, il s’élança dans sa voiture, au fond de laquelle était déjà le général Bertrand. Il me serait impossible de vous dépeindre, continua le général Athalin, ce que nous avons éprouvé et ce que j’éprouve encore aujourd’hui en me rappelant cette déchirante scène.

— Ce qui est fort remarquable, interrompit le Duc d’Aumale, c’est l’inscription que porte cette table par ordre de S. M. feu le roi Louis XVIII.

Le prince leva le dessus de la table et sur une plaque de bronze nous lûmes ces mots qui y sont gravés : « Napoléon