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Ce mélange de piété et de distraction fit le bonheur des jeunes gens ; les princes d’Aumale et de Montpensier n’ont pas manqué de s’en divertir.

La princesse Marie est occupée en ce moment de la composition des dessins de vitraux qui doivent être posés dans cette chapelle et dont les sujets sont tirés de la vie de saint Saturnin.

Au déjeuner, quoiqu’il n’y eût absolument que les personnes habitant le château, nous étions quatre-vingt-cinq. Ce fut au reste un dîner complet avec la soupe et tout ce qui la suit à un grand repas, mais, en outre, il y avait aussi du thé et du café pour ceux qui en voulaient. Après ce repas et pendant que notre cousin travaillait avec le Roi, la Reine nous montra ses appartemens.

— Voici, nous dit-elle, en nous faisant entrer dans sa chambre à coucher, voici ma chambre ; ces meubles, ce lit, ces tentures brochées et brodées sont du temps de Marie-Antoinette, la vue donne sur le jardin réservé. — Sa Majesté tout en parlant, me fit signe d’ouvrir la croisée. — Vous connaissez cette vue, comte Rodolphe, c’est celle qu’on découvre de votre appartement. Mais vous n’avez que la vue, tandis que j’ai cet escalier pour descendre dans le jardin et m’y promener. Je n’en profite guère d’ailleurs, si ce n’est pour aller voir mes filles qui demeurent au rez-de-chaussée. Maintenant, Aumale, ajouta-t-elle en se tournant du côté de son fils, faites le cicérone ; expliquez à la comtesse Apponyi le sujet des tableaux. Vous savez cela beaucoup mieux que moi.

Le prince se mit donc à la tête du groupe et accomplit sa besogne avec beaucoup d’aplomb et d’amabilité.

— Voici, dit-il, la chambre à coucher de Napoléon ; elle sert aujourd’hui à mon père ; mais il ne dort pas dans le lit de l’Empereur que voilà ; ce lit est trop mou pour lui ; vous savez que nous avons tous l’habitude d’avoir des lits très durs. Maintenant, continua le prince, nous arrivons dans une pièce fort intéressante, c’est celle où Napoléon a abdiqué. Voilà, dit-il, en s’approchant d’une petite table, voilà où il a signé l’acte mémorable. Le Roi y a fait placer le fac-similé de cet acte rédigé par l’Empereur lui-même et dont le baron Fain, que voilà présent, possède l’original, lui, secrétaire alors de l’Empereur, comme il l’est aujourd’hui du Roi.

Le baron Fain s’inclina et nous fit la lecture de cette abdication,