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chapelle de Saint-Saturnin : elle remonte au temps de Louis VII, comme l’indique la charte de sa consécration, qui est de l’année 1169.

Depuis longtemps, ayant cessé d’être consacrée au culte, elle avait servi tantôt de salle à manger, tantôt de magasin. Le Roi vient de la rendre à sa première destination et sans rien changer à son architecture intérieure, on y a construit, au-dessus de la porte d’entrée et dans toute la largeur, une tribune à laquelle on arrive des grands appartemens par un escalier qui prend naissance à la sortie de la salle de bal près de la bibliothèque. Ces arrangemens ont été terminés peu de jours avant l’arrivée de la famille royale à Fontainebleau.

L’ambassadeur d’Espagne, après avoir mené sa fille auprès de notre cousine, prit place à côté de nous ; il fit une inspection très soigneuse de ma toilette, il en passa et repassa tous les détails en revue en la comparant pièce par pièce avec la sienne.

— J’aurais mieux fait peut-être de mettre un pantalon blanc comme vous, me dit-il ; après la messe, je vais faire ce changement.

— Je ne vous le conseille pas, monsieur le duc, car à dix heures et demie on se met à table pour le déjeuner ; vous arriveriez trop tard, et puis je ne vois pas qu’il soit inconvenant de porter un pantalon gris perle.

— Vous croyez ?

Et voilà qu’il recommence à me regarder et à se regarder lui-même. Comme on commençait à rire autour de moi du pauvre duc, je voulus changer de conversation et je lui dis :

— Comment trouvez-vous cette chapelle ?

Malheureusement, il avait tourné de mon côté l’oreille par laquelle il n’entend pas trop. Il me répondit donc :

— Si j’ai des chapelles ! j’en ai en quantité ; j’ai même deux cathédrales.

— Je n’en doute pas, mais je vous demande si vous trouvez belle cette chapelle.

— Mais, mon cher comte, ce n’est rien, rien du tout ; dites vous-même si cela se compare à la chapelle d’Aranjuez !

Puis il tourna le dos à l’autel et se mit à regarder la tribune occupée par la famille royale, puis, tout à coup, il quitte sa chaise, avance à petits pas, mais très vite vers l’autel, fait trois ou quatre génuflexions et revient de nouveau à sa place.