Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 15.djvu/642

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voit à merveille, il vous propose de venir dans la coquille dont il fait les honneurs.

— Je ne demande pas mieux, me dit-elle ; mais ne croyez-vous pas qu’on trouvera mauvais que je quitte une place que Madame Adélaïde m’a fait assigner ?

— Si vous me le permettez, je m’en vais en parler à S. A. R.

A ces mots, j’avance jusqu’auprès de Madame Adélaïde et, en lui exposant la petite affaire, je lui dis que la duchesse ne voulait pas profiter de l’offre du Duc d’Aumale avant de savoir si S. A. R. ne s’en trouverait pas offensée.

Cette respectueuse soumission de la part d’une grande dame, telle que la duchesse de La Trémoïlle, flatta infiniment Madame Adélaïde. Elle me chargea donc de toutes sortes de gracieusetés pour la duchesse et les fit précéder de charmantes petites mines aimables qui comptaient au moins autant que mon message, puisqu’elles étaient un témoignage public de sa bienveillance. De retour auprès de Mme de La Trémoïlle, je lui fis mon message en y ajoutant qu’on lui devait au moins tout cela pour la manière dont elle, la duchesse et le duc de La Trémoïlle étaient traités par les journaux carlistes pour avoir mis le pied à la Cour du roi Louis-Philippe.

Arrivée dans la coquille, elle fut enchantée de voir de si près la scène. Mlle Mars, malgré ses cinquante-trois ans, nous charma dans un rôle d’ingénue ; elle est encore jeune, elle est encore belle, son organe est toujours le même, celui d’une personne de dix-huit ans. Personne ne dit les vers comme elle, personne ne prononce avec plus de soin, personne ne possède plus la prosodie de sa langue et certainement personne n’en fait un plus agréable usage. Le spectacle finit par un opéra-comique. Pendant l’entr’acte, les personnes qui résidaient au château furent priées de passer dans le petit salon à côté de la loge du Roi pour y prendre le thé. On nous avait déjà servi des glaces dans nos loges.

Avant de rentrer dans nos appartemens respectifs, nous sommes encore restés pendant une demi-heure dans le salon de la Reine, après quoi Sa Majesté et les princesses nous souhaitèrent le bonsoir et chacun se retira.

Le lendemain, à neuf heures, on nous servit dans le salon de l’ambassadrice un premier déjeuner, café, chocolat, thé. A dix heures, précédés de notre planton, nous nous rendîmes à la