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— Etes-vous bien chez vous, dans vos chambres ? Avez-vous tout ce qu’il vous faut, vous, le comte Apponyi et vos enfans ? Le Roi désire que vous soyez tous bien ; il est allé lui-même dans tous vos appartemens pour se convaincre, de ses propres yeux, que ses ordres ont été exécutés.

— Oui, interrompit le Roi, j’ai fait le tour de tous les appartemens ; mais si, malgré cela, il vous manquait quelque chose, voilà Montalivet à qui je vous engage à vous adresser.

L’ambassadeur d’Espagne, que nous avions laissé à onze heures du matin à la première poste, venait d’arriver enfin ; il avait eu toute la peine du monde, et sa pauvre fille surtout, à finir sa toilette à temps pour ne pas faire attendre. Il arriva donc dans le salon tout haletant, se confondant en excuses et nous donnant des détails sur sa mésaventure : cette roue, toujours la même, qui s’était cassée quatre fois pendant la route.

— Sa Majesté est servie !

Tout le monde se mit en marche, le Roi donna le bras à Madame Adélaïde et notre cousin à la Reine ; les deux autres ambassadeurs aux princesses, le maréchal Gérard à notre cousine, l’amiral Jacob à l’ambassadrice d’Angleterre, Mmes de Dolomieu et de Montjoye avaient sur elles la rude tâche de l’affaire des bras pour le reste du monde ; elles me prièrent de m’occuper des jeunes personnes et des jeunes gens.

— Donnez le bras à lady Georgina Fullerton ou à la marquise Belmonte, me dit Mme de Dolomieu ; partagez-vous ces deux dames entre vous et votre cousin.

Nous voilà en marche pour la galerie de Diane. Cette galerie fut construite et décorée par Henri IV, les peintures étaient l’ouvrage d’Ambroise Dubois et représentaient les victoires remportées par le prince. Indépendamment de ces tableaux, il y en avait d’autres retraçant des sujets de la fable, choisis pour rappeler, sous la forme allégorique, les amours du roi chevalier et de la belle Gabrielle. Toutes ces belles peintures furent détruites par le temps, et Napoléon trouva presque anéanti ce chef-d’œuvre de l’art ; il donna l’ordre de les rétablir, mais on ne put exécuter que le gros des travaux, et sa chute arriva au moment où les meilleurs peintres de son temps composaient des tableaux représentant les batailles les plus mémorables où il avait commandé en chef.

Louis XVIII ne fut pas plutôt monté sur le trône qu’il