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Dès que la Cour fut rentrée de sa promenade, ce qui arriva vers les cinq heures, Mme de Dolomieu et de Montjoye arrivèrent chez nous ainsi que M. de Montalivet pour nous saluer de la part de Leurs Majestés et pour s’informer en même temps si nous étions pourvus de tout ce qu’il nous fallait. Eussions-nous manqué de tout, encore aurait-il fallu avoir l’air content ; à plus forte raison, comblés comme nous l’étions, il ne nous restait qu’à exprimer notre reconnaissance.

Mme de Dolomieu nous dit qu’elle se voyait forcée de nous quitter, puisqu’on dînerait de meilleure heure, c’est-à-dire à six heures et qu’elle était obligée de faire sa toilette ; nous aussi, nous nous retirâmes pour le même motif dans nos appartemens. Notre planton vint chez moi en me disant :

— Monsieur le comte, le dîner de Sa Majesté sera servi à six heures, et la tenue est en frac.

A six heures moins un quart, notre planton nous précéda pour nous conduire jusqu’à l’appartement de la Reine. Sa Majesté était assise à sa table, ayant à sa gauche Madame Adélaïde, mais à une distance assez grande pour qu’il restât entre elles une ou deux places réservées aux personnages que la Reine voulait distinguer particulièrement. La princesse Marie occupait la place vis-à-vis de la Reine et de la princesse Clémentine, celle-ci vis-à-vis de Madame Adélaïde. Entre les princesses se tenaient leurs jeunes amies ou quelques dames étrangères. Nous fîmes notre entrée presque en même temps que lady Granville. Sa Majesté se leva et tout le monde suivit son exemple. Elle vint à la rencontre de notre ambassadrice, la prit par les deux mains et lui exprima le plaisir de la voir à Fontainebleau.

— Bonjour, messieurs, dit-elle en se tournant de notre côté, bonjour ; je suis charmée de vous voir tous réunis ; mais il me manque quelqu’un, c’est Marie.

— Votre Majesté est trop bonne de se rappeler ma petite Marie, répondit l’ambassadrice ; mais c’eût été abuser de la bonté de Votre Majesté de lui amener une sixième personne.

— J’en suis bien fâchée, ma chère comtesse, car j’avais compté sur elle et j’ai dit à la maréchale Gérard d’amener sa petite, absolument du même âge que Marie, afin qu’elle lui tint compagnie.

— Votre Majesté est vraiment mille fois trop bonne.