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Nous descendîmes dans la Cour des Princes. L’appartement qui nous était destiné se composait d’un grand vestibule qui séparait l’appartement de l’ambassadeur de celui de l’ambassadrice ; les deux avaient le même nombre de pièces, à savoir une antichambre, un salon d’attente, un second salon et une chambre à coucher, le tout meublé avec magnificence. L’appartement de Jules, de Rodolphe II et de moi communiquait par une porte dérobée avec celui de l’ambassadeur et se trouvait comme les deux autres au rez-de-chaussée et dans le même corps de logis ; il avait été habité avant nous par le prince Buttera, ambassadeur de Naples. J’avais pour moi une superbe chambre à coucher, puis un salon en commun avec Jules et Rodolphe II, dont la chambre à coucher donnait aussi dans ce salon ; puis, nous avions un grand vestibule et une sortie séparée de celle de l’ambassadeur.

Ces trois appartemens sont éclairés par le jardin de Diane ou de l’Orangerie, réservé pour la Reine et les princesses dont l’habitation y accède. Une belle fontaine en marbre blanc ornée d’une statue de la déesse chasseresse, en bronze, et la galerie de Diane qui se trouve au-dessus de l’appartement que nous habitions donnent ce nom au jardin. Dans toutes les chambres, se trouvait sur une des commodes une assiette avec du raisin et une autre avec des pâtisseries qui tous les jours ont été renouvelées.

Pendant que nos domestiques déballaient nos effets, on nous dressait une table avec un très bon déjeuner.

Ces superbes appartemens si richement ornés de meubles à forme grecque tout dorés, ces tentures en satin broché parsemé de bouquets et d’abeilles, ces beaux tapis dont le tissu moelleux avec des couleurs si vives, des casques, des boucliers, des dards, des cimeterres, des glaives, des épées, rappelle le règne de Napoléon, ce règne de gloire et de destruction qui a été tant admiré et tant abhorré, ce large lit surchargé de bronzes dorés avec ses rideaux en velours vert, si richement galonnés d’or, avec ses grosses torsades, ses glands resplendissans, ce lit dans lequel je me suis si bien reposé des fêtes de la veille, tout cela n’existait point du temps de Louis XIV. Cette longue suite d’appartemens formaient ensemble une seule longue galerie connue sous le nom de galerie des Cerfs. C’est là que périt Monaldeschi, écuyer de la reine de Suède, la fameuse Christine.