Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 15.djvu/635

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Mais, dit M. de Laval, si cela en est ainsi, il me semble que pendant les années où j’ai été ambassadeur en Espagne, à Rome, à Vienne, à Londres, j’aurais beaucoup mieux fait de me procurer, à la place de tous mes secrétaires, une bonne somnambule de votre façon, mon cher monsieur de Balzac, et je le conseillerai beaucoup à M. l’ambassadeur d’Autriche ici présent.

Nous nous mîmes tous à rire de cette phrase de M. de Laval. Balzac nous donna encore une foule d’autres exemples dans le genre précité, tous également étonnans. Ce qui me déplaît surtout, c’est cette influence que conserve le magnétiseur sur la personne magnétisée ; il vous force à vous soumettre à sa volonté. Vous restez son esclave ; lui à Saint-Pétersbourg et vous en Amérique, il vous forcera, par sa seule volonté, de penser à lui dans le moment où il l’exigera de vous.

M. de Balzac nous a dit qu’il avait bien souvent fait cette expérience, qu’il avait par exemple fortement désiré que la personne qui se trouvait sous son influence magnétique et absente en Angleterre ou partout ailleurs, pensât à lui au moment même et qu’elle le lui prouvait en lui écrivant et en lui donnant de ses nouvelles.

— J’inscrivais, continua-t-il, la date du jour dans mes tablettes et je ne manquais jamais de recevoir la lettre voulue et portant la date que j’avais inscrite. C’est une expérience très facile à faire, très licite et que je me suis permise souvent pour convaincre les personnes qui ne voulaient pas croire à mes assertions.


21 septembre. — Voici la conversation que j’ai eue avec la duchesse de Périgord, en parcourant avec elle son beau parc à Maffliers.

— Je ne sais trop, lui ai-je dit, ce que notre société deviendra cet hiver et à quel point l’influence que vous autres, mesdames, vous exercez sur elle et je dirai même sur les affaires du jour, nous sera salutaire cette année.

— Elle sera nulle, cher comte, me répondit la duchesse. Nous ne sommes plus ce que nous étions autrefois, nous sommes détrônées.

— Ne parlez pas ainsi, madame ; n’abdiquez pas et, si vous vous croyez détrônées, ne l’avouez pas, car, si vous parveniez à le faire croire, vous seriez aussitôt remplacées, et Dieu sait par