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parlent les journaux ressemblait à Louis-Philippe : la police s’en est emparée avant son supplice, car on allait le brûler au coin de la rue Neuve-Vivienne. Hélas ! son sort n’a pas été meilleur ; il n’a échappé aux flammes que pour être sabré par les dragons réunis à un piquet de service. Les sous-officiers lui ont à plusieurs reprises fourré l’épée dans le ventre jusqu’à la garde ; on battait des mains, on riait comme de raison ; on prétend même qu’on a distribué du vin et de l’argent à la troupe qui a bien voulu donner cette petite comédie.

Il y a tous les soirs un attroupement assez fort qui se forme à la Porte Saint-Martin. Dernièrement, en allant chez Mme Merlin, notre voiture et les autres qui ont dû passer au milieu du rassemblement pour arriver à ce concert ont été huées, et le comte de Calvière me dit qu’on l’avait menacé de dételer son cheval, sous prétexte qu’il écrasait le peuple souverain. Cette émeute, qui se répète tous les jours, reste, à quelques exclamations républicaines près, très tranquille. A minuit, arrivent les lanciers ; à cette vue, la république prend la fuite à toutes jambes pour y revenir le lendemain.

Les chefs du parti républicain ont pris ce système d’émeutes inertes pour fatiguer la troupe et la garde nationale, qui sont ainsi continuellement sur pied. Tout cela n’est que préparatifs pour la grande entreprise qu’on veut tenter lors du décès du général La Fayette. Le gouvernement s’y prépare aussi : nous verrons comment tout cela se terminera.


2 avril. — L’abbé Lacordaire prêchait et prêche encore au collège Stanislas ; il y a une telle foule qu’on a beaucoup de peine à trouver une place. Il parle dans le genre de l’abbé de Lamennais, et pour les hommes surtout. C’est de la philosophie, de la morale parfois, mais toujours de l’éloquence. Il veut prouver avant tout que la Religion catholique est tout particulièrement compatible avec les principes républicains.

Les conférences de notre curé, M. Landrieu, ont pris fin et n’ont pas cessé d’être fort suivies par beaucoup de nos belles dames.. Un jour, M. Landrieu a parlé sur les dangers du bal masqué et combien c’était mal d’y aller ; il a développé ce sujet avec beaucoup d’esprit et d’une manière fort intéressante. Or, il y avait dans l’auditoire force belles dames qui les ont beaucoup fréquentés cet hiver, sans trop en convenir toutefois. Leur figure devint