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cette magnificence ; les parquets faits par des menuisiers de Bruxelles sont d’une beauté remarquable ; les meubles de Boule, les vases du Japon et autres qui ont orné les salons et boudoirs de Louis XIV, de Louis XV et enfin un bureau magnifique qui avait servi au malheureux roi Louis XVI ! Voici un vaste champ de réflexions.

Le Duc d’Orléans ne peut plus se voir dans la société qui l’entoure, et puisque celle qu’il voyait autrefois ne vient plus chez lui, il veut aller la chercher chez elle ; il veut la voir, il veut parler à ces dames, si ce n’est à la Cour au moins ailleurs ; c’est ce qui l’a engagé à danser avec Mlle de Béthune et je suis chargé de sonder les duchesses de Rauzan et de La Trémoïlle, afin de savoir si elles voudront suivre l’exemple de la princesse Léonie.

J’ai répondu que je voulais bien me charger de cette commission, mais que je croyais que, pour réussir, il ne fallait pas laisser le temps à ces dames de se voir et de discuter sur ma proposition, et que, par conséquent, je ne leur en parlerais qu’au moment même, ainsi que je l’avais fait avec Mlle de Béthune. On est tombé à ce sujet d’accord avec moi, et il ne s’agit maintenant que de décider en quel lieu le Duc d’Orléans pourra se rencontrer avec les dames du faubourg Saint-Germain.


30 janvier. — Hier, au bal de la Cour, j’ai parlé à M. de Rumigny du duel qui avait eu lieu le matin entre le général Bugeaud et M. Dulong, député de l’opposition. M. de Rumigny était un des témoins et semblait, le soir encore, assez ému de la scène qui s’était passée sous ses yeux. Le général Bugeaud s’était bien proposé de tuer son adversaire. L’un et l’autre des combattans tiraient fort bien au pistolet. Le général, qui était instruit de l’habileté de son adversaire, prit le parti de ne pas lui laisser le temps de tirer. Au signal donné par les témoins, il a avancé de cinq pas et, en même temps, a tiré et si bien que sa balle est entrée dans la tête de Dulong un pouce au-dessus de l’œil gauche. Celui-ci tomba sans proférer une parole. Quelques saignées appliquées aux deux bras le firent cependant revenir à lui pour quelques instans, mais, bientôt, il perdit de nouveau connaissance, et quoiqu’il ne fût pas mort encore à onze heures du soir, son état était tel que les médecins n’avaient aucun espoir de le sauver.