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— Maintenant, monseigneur, il n’y a plus moyen pour vous de reculer, lui a-t-elle dit. Mlle de Béthune a été prévenue par le comte Rodolphe et elle lui a dit qu’elle serait charmée de valser avec vous.

Alors, le Duc se tourna de mon côté et me dit :

— Puisque vous m’avez préparé si bien la voie, je n’ai qu’à la suivre.

Et il alla inviter Mlle de Béthune ; celle-ci non seulement accepta l’invitation du prince, mais de plus elle a été parfaitement aimable avec lui.

Le lendemain, il y a eu bal dans son appartement aux Tuileries : c’est celui que Madame avait occupé avant la révolution de Juillet. Depuis cette époque, je n’y étais plus venu. De revoir ces salles, de m’y trouver dansant et de voir arriver Louis-Philippe, après que les huissiers eurent frappé avec leur canne en prononçant à haute voix ces mots : « le Roi ! » tout cela m’a fait un singulier effet. Il me semblait impossible de ne point rencontrer Madame dans cet appartement, de ne pas danser avec elle, de ne pas la voir courir d’une chambre à l’autre, puis sauter, puis rire et danser avec le Duc de Chartres et faire les honneurs de son bal en soignant son oncle et sa tante d’Orléans et ses cousines, les princesses Louise et Marie. Je la voyais entourée de ces princesses, recevant leurs remerciemens pour telle ou telle robe, telle ou telle autre parure qu’elle avait l’habitude de leur offrir le matin du jour où il y avait bal chez elle. Quel changement ! Le Duc d’Orléans va à la rencontre de sa mère : c’est la Reine ! on annonce le Roi : c’est Louis-Philippe ! C’est donc une autre Cour ; c’est une autre société, et pourtant l’on danse de même ; c’est la même gaîté parfois de commande, c’est le même langage de cour, c’est la même vanité si désireuse de rencontrer un regard des têtes couronnées.

Une seule chose a changé, l’ameublement. Le Duc d’Orléans a fait enlever les anciennes tentures pour les renouveler par de plus anciennes encore, mais plus magnifiques. Le Garde-meuble les a fournies, elles s’y sont reposées depuis Louis XIV. De même les étoffes dont les canapés et fauteuils et chaises sont recouverts ; ce sont de lourds brocarts d’or tout raides à force d’y avoir employé de ce précieux métal ; ce sont des velours écarlates tissus d’or ; ce sont des satins brodés de toutes les couleurs, parsemés d’or et d’argent. ; Le reste correspond à toute