Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 15.djvu/622

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que je trouvais l’escalier et la salle des Maréchaux, décorés comme ils sont, admirablement beaux.

— Vous me faites, comte Rodolphe, me dit le Roi, un véritable plaisir en vous exprimant de cette manière, car je tiens beaucoup à votre opinion, vous qui avez vu de si belles choses et qui avez si bon goût.

Le Duc d’Orléans n’a pas assisté à ce premier bal, qui eut lieu le lendemain de mon arrivée ; il venait de partir pour Bruxelles. A son retour, il est venu chez nous ; il était à notre bal de samedi dernier. Il a été, ce jour-là, on ne peut plus aimable pour nous tous et surtout pour moi. J’étais à causer avec Mme de Valençay lorsqu’il m’accosta et me dit :

— J’ai un conseil à vous demander, comte Rodolphe ; mais je veux que vous me parliez franchement. Je voudrais engager Mlle de Béthune à danser avec moi ; je n’ose pas, dans la crainte que cela ne lui soit désagréable.

— Il me semble, dis-je au Duc, que Monseigneur ne rend pas justice, dans ce moment, aux nobles dames du faubourg Saint-Germain et nommément à Mlle de Béthune, qui sera, je n’en doute pas, charmée de valser avec Votre Altesse Royale.

— Le croyez-vous ? Est-ce vraiment votre pensée, comte ? Espérez-vous que Mlle de Béthune voudra oublier, pendant une valse, la politique et les opinions qui nous séparent ?

— Je n’en ai aucun doute, et je suis persuadé que Monseigneur pense de même et qu’il ne fait semblant d’en douter que pour rire un peu aux dépens de ces dames.

— Non, je vous assure que non, je crains positivement de ne pas être bien reçu.

— Ne craignez rien, lui dit Mme de Valençay : du courage, monseigneur ! ce n’est que le premier pas qui coûte.

Cependant, j’ai quitté le bras de la Duchesse pour prévenir la princesse Léonie, afin qu’elle ne fût pas prise à l’improviste et que, dans sa frayeur, elle ne fit, par embarras, quelque chose qui ne serait pas tout à fait bien. Effectivement, ma nouvelle la surprit un peu ; mais elle dit, cependant, qu’elle serait charmée de danser avec le Duc d’Orléans, puisqu’il restait toujours un prince du sang, malgré tous les événemens passés, et qu’elle était assez bien élevée pour savoir ce qu’elle lui devait à ce titre. J’ai rapporté cette réponse à Mme de Valençay, qui parlait encore au prince sur le même sujet sans pouvoir le décider.