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propriétaire. Indifférens aux questions de dogmes, ils étaient donatistes uniquement parce que le maître l’était. Pour transformer en brebis paisibles ces loups dévorans, il suffisait souvent que le maître se convertît. Le grand bien de la paix dépendait d’une contrainte exercée contre quelques-uns. Quand tous les jours on courait le risque d’être assassiné ou incendié par des énergumènes inconsciens, la tentation était bien forte de recourir à un remède si simple et si prompt. Augustin et ses collègues finirent par s’y décider. D’ailleurs, ils n’avaient pas le choix des moyens. Il leur fallait sévir, sous peine d’être supprimés eux-mêmes par l’adversaire.

Avant d’user de rigueur, on résolut cependant de lancer un suprême appel à la conciliation. Les catholiques proposèrent aux donatistes de se réunir en une conférence, où loyalement ils examineraient leurs griefs réciproques. Comme les considérations personnelles ou intéressées étaient le plus grand obstacle à l’entente, ils promirent que tout évêque donatiste converti garderait son siège. Là où deux évêques, l’un schismatique, l’autre orthodoxe se trouvaient en présence, ils s’arrangeraient à l’amiable pour gouverner le diocèse à tour de rôle. En cas d’impossibilité, il fut convenu que le catholique se démettrait en faveur de son confrère. Augustin contribua de toute son éloquence à faire adopter cette motion quasiment héroïque pour bon nombre de prélats moins détachés que lui des biens terrestres. Il faut avouer qu’il était difficile de pousser plus loin l’abnégation.

Après bien des tiraillemens et des hésitations de la part des schismatiques, la Conférence se réunit à Carthage, au mois de juin 411, sous la présidence d’un commissaire impérial, le tribun Marcellinus. Encore une fois, les donatistes se virent condamnés. Sur le rapport du commissaire, un décret d’Honorius les assimila définitivement aux hérétiques. Défense leur était faite de rebaptiser et de s’assembler, sous peine d’amende ou de confiscation. Les colons et les esclaves réfractaires seraient passibles de châtimens corporels, et enfin les clercs, punis de la déportation.

L’effet de ces lois nouvelles ne tarda pas à se faire sentir : il répondit pleinement au vœu des évêques orthodoxes. Beaucoup de populations rentrèrent ou feignirent de rentrer dans la communion catholique. Ce résultat était, en grande partie, l’œuvre d’Augustin, qui, depuis vingt ans, y travaillait par la