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ils purifiaient les basiliques, en raclaient les murs, lavaient le pavé à grande eau, et, après avoir démoli l’autel, passaient du sel sur l’emplacement. C’était une désinfection complète. Les donatistes traitaient les catholiques comme des pestiférés.

De tels faits criaient vengeance. Augustin, qui, jusque-là, avait répugné à solliciter la vindicte des pouvoirs publics, — qui, suivant la tradition apostolique, n’admettait point l’immixtion de l’autorité civile dans les affaires de l’Église, — Augustin dut céder aux circonstances et aussi à la pression de ses collègues. Des conciles réunis à Carthage demandèrent à l’Empereur des mesures exceptionnelles contre les donatistes, qui se riaient de toutes les lois portées contre les hérétiques : quand on les citait devant les tribunaux, ils démontraient aux juges, — lesquels étaient souvent des païens incompétens, — qu’ils appartenaient, en réalité, à la seule Église orthodoxe. Il fallait en finir avec cette équivoque, aboutir une bonne fois à la condamnation catégorique du schisme. D’accord avec le primat Aurélius, Augustin fut le grand inspirateur de ces assemblées.

Ne jugeons point de sa conduite selon les idées modernes, et ne nous hâtons pas de crier à l’intolérance. Lui et les évêques catholiques se conformaient, en cela, à la vieille tradition qui avait été celle de tous les gouvernemens païens. Rome, en particulier, put bien reconnaître toutes les religions locales, tous les cultes étrangers, elle ne permit jamais qu’aucun de ses sujets refusât de s’associer au culte officiel de l’Empire. Les persécutions contre les Chrétiens et les Juifs n’eurent point d’autre motif. Devenu religion d’Etat, le christianisme devait, bon gré mal gré, réclamer des peuples la même obéissance. Pour des raisons politiques faciles à comprendre, — pour empêcher des émeutes et assurer la tranquillité publique, — les Empereurs y tenaient extrêmement. Même si les évêques se fussent abstenus de toute plainte, le gouvernement impérial aurait agi sans eux et réprimé les désordres causés par les hérétiques.

Enfin, voyons la situation et les hommes tels qu’ils étaient alors en Afrique. C’étaient les catholiques que l’on persécutait, — et cela avec une fureur et une cruauté révoltantes : ils étaient bien obligés de se défendre. Ensuite, l’organisation de la propriété dans ces pays rendait les conversions en masse singulièrement faciles. Des multitudes de colons, d’artisans et d’esclaves agricoles vivaient sur les domaines immenses d’un seul