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propres libelles, pour qu’il lui fût impossible d’y répondre. Mais Augustin s’ingéniait à les découvrir. Il les réfutait, faisait recopier et afficher ses réponses sur les murs des basiliques. Les copies couraient la province et tout le monde romain.

C’eût été fort bien, si la querelle avait eu un caractère purement spéculatif. Mais de gros intérêts matériels, des rancunes, des haines terribles étaient enjeu. Insensiblement, Augustin fut amené à passer de la polémique verbale à l’action directe, — à la défense d’abord, puis à l’attaque.

Tandis que lui et ses collègues s’évertuaient à prêcher la paix, les évêques donatistes n’arrêtaient pas d’exciter leurs ouailles à la guerre sainte. Augustin reçut même des menaces de mort. Au cours d’une de ses tournées pastorales, il faillit être assassiné. Des gens en embuscade le guettaient. Par un hasard providentiel, il se trompa de chemin et ne dut la vie qu’à cette méprise. Son élève Possidius, alors évêque de Guelma, fut moins heureux. Traqué dans une maison par l’évêque donatiste Crispinus, il s’y défendit de son mieux. On mit le feu au logis pour l’en faire sortir. Sur le point d’être brûlé vif, il sortit en effet. La bande donatiste s’empara de lui et l’aurait assommé, sans l’intervention de Crispinus lui-même, qui redoutait des poursuites en cas de meurtre. Mais les assaillans avaient saccagé la propriété, massacré tout ce qu’il y avait de chevaux et de mulets dans les écuries, A Bagaï, l’évêque Maximianus fut poignardé dans sa basilique. Des forcenés brisèrent l’autel, et, avec les débris, se mirent à frapper la victime, qu’ils laissèrent pour morte sur le carreau. Les catholiques ayant relevé le corps, les donatistes le leur arrachèrent des mains et le précipitèrent du haut d’une tour, d’où il tomba sur un fumier, qui amortit la chute : le malheureux respirait encore, et, par miracle, il en réchappa.

Entre temps, les circoncellions, armés de leurs matraques, continuaient à piller et à incendier les fermes. Ils torturaient les propriétaires, pour leur extorquer leur argent. A coups de fouet, ils leur faisaient tourner la meule, comme à des bêtes de somme. Derrière eux, les prêtres donatistes envahissaient les terres et les églises catholiques. Incontinent, ils rebaptisaient les colons (notons l’analogie de ces pratiques avec celles des musulmans africains d’aujourd’hui, qui, en pareilles circonstances, commencent par convertir de force les colons chrétiens). Ensuite,