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leurs maisons, de s’asseoir au milieu d’eux. Ils mettaient en interdit leurs adversaires. Le primat donatiste de Carthage, Primanius, invité par les catholiques à une conférence, répondit superbement :

— Les fils des martyrs ne peuvent pas se réunir avec la race des traîtres !

Dans ces conditions, il n’y avait plus, comme moyen pacifique, que la controverse écrite. Augustin s’y montra infatigable. C’est là surtout, dans ses lettres et dans ses traités contre les donatistes, qu’il n’a pas craint de se répéter. Il savait qu’il avait affaire à des sourds, — et à des sourds qui ne voulaient pas entendre : il était obligé de forcer la voix. Avec une abnégation admirable, il a ressassé cent fois les mêmes argumens, il a cent fois repris l’historique de la querelle depuis ses origines, répandant sur les arguties et les chicanes de ses contradicteurs une telle lumière, qu’il devait emporter la conviction des esprits les plus obtus : « Non, — redisait-il, — Cæcilianus ne fut pas un traditeur, ni Félix d’Abthugni, qui le consacra évêque. Les documens sont là pour le prouver. Et, quand bien même ils l’auraient été, est-ce que la faute d’un seul peut être imputable à l’Église tout entière ?... Alors, pourquoi baptisez-vous les catholiques, sous prétexte que leurs prêtres sont des traditeurs et, comme tels, indignes d’administrer les sacremens ? C’est le sacrifice de Jésus-Christ et non la vertu du prêtre qui fait l’efficacité du baptême. S’il en était autrement, à quoi bon la Rédemption ? Enfin, par la mort volontaire du Christ, tous les hommes ont été appelés au salut. Le salut n’est pas le privilège des seuls Africains. Catholique, l’Église doit embrasser le monde entier... »

A la longue, ces perpétuelles redites finissent par sembler fastidieuses aux lecteurs modernes : de toutes ces discussions, il se dégage, pour nous, un ennui dense et intolérable. Mais songeons que tout cela était singulièrement vivant pour les contemporains d’Augustin, que ces développemens ingrats étaient lus avec passion. Et puis enfin, il s’agissait de l’unité de l’Église et ensuite, — nous ne saurions trop le répéter, — de l’intérêt de l’Empire et de la civilisation.

Contre une telle force persuasive, les donatistes faisaient la conspiration du silence. Leurs évêques défendaient aux fidèles de lire les écrits d’Augustin. Bien plus, ils lui cachaient leurs