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le centre officiel. Mais, dans la Byzacène et la Tripolitaine, il y avait des maximianistes, en Maurétanie, des rogatistes, qui s’étaient séparés de la Grande Église. Ces divisions du schisme répondaient assez bien aux compartimens naturels de l’Afrique du Nord. Il faut croire qu’il y a incompatibilité d’humeur entre ces diverses régions. Aujourd’hui encore, Alger se pique de ne point penser comme Constantine, qui ne pense point comme Bône ou comme Tunis.

Peut-on voir dans le donatisme un mouvement nationaliste ou séparatiste dirigé contre la domination romaine ? Ce serait transporter dans l’antiquité des idées toutes modernes. Pas plus à l’époque d’Augustin que de nos jours, il n’existait de nationalité africaine. Mais si les sectaires ne songeaient nullement à se séparer de Rome, il n’en est pas moins vrai qu’ils étaient en rébellion contre ses représentans, aussi bien dans l’ordre temporel que dans Tordre spirituel. Supposé que Rome leur eût cédé, — chose impossible d’ailleurs, — c’était capituler devant les prétentions des Africains qui voulaient être les maîtres, chez eux, tant de leurs biens que de leurs croyances. Qu’auraient-ils pu souhaiter de plus ? Peu leur importait le maître nominal, pourvu qu’ils eussent la réalité de la domination. En somme, le donatisme est une revendication régionaliste très fortement caractérisée. Fait remarquable : c’est parmi les indigènes, ignorans du latin, que se recrutait la majorité de ses adeptes.


Telle était la situation de l’Église d’Afrique, quand Augustin fut nommé évêque d’Hippone. Il la jugea tout de suite, avec sa clairvoyance, son ferme bon sens, son large coup d’œil de citoyen romain affranchi des petitesses de l’esprit local, son idéalisme de chrétien supérieur aux contingences et aux considérations matérielles... Quoi ! le catholicisme allait devenir une religion africaine, une secte fermée, misérablement attachée à la lettre de la tradition, aux pratiques extérieures du culte ? C’était pour cela, pour régner sur un petit coin du monde, que le Christ était mort !... Non, non, le Christ est mort pour le monde entier. Son Église n’a pas d’autres limites que l’univers. Et puis, que devient, avec ce parti pris d’exclusion, le grand principe de la charité ? C’est par la charité surtout que nous sommes