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s’agit d’élire un nouvel évêque de Carthage, l’archidiacre Cæcilianus, qui s’était mis sur les rangs, fut accusé d’avoir empêché les fidèles de visiter les martyrs dans leurs prisons. Les purs prétendaient que, de concert avec Mensurius, son évêque, il avait livré aux autorités romaines les Saintes Écritures, pour être brûlées. L’élection s’annonçait houleuse. Les partisans de l’archidiacre, redoutant l’hostilité des évêques numides, n’attendirent point leur arrivée. Ils brusquèrent les choses. Cæcilianus fut élu et consacré par trois évêques du voisinage, dont un certain Félix d’Abthugni.

Aussitôt le clan opposé protesta, d’accord avec les Numides. Ils avaient à leur tête une riche Espagnole, nommée Lucilla, une dévote exaltée, qui, paraît-il, portait constamment sur elle un os d’un martyr, d’ailleurs suspect. Avant de recevoir l’Eucharistie, elle baisait sa relique avec ostentation. L’archidiacre Cæcilianus, pour lui avoir interdit cette dévotion comme superstitieuse, se fit de la fanatique Espagnole une ennemie acharnée. On renouvela contre lui toutes les accusations d’autrefois, et on ajouta que Félix d’Abthugni, qui l’avait consacré, était un traditeur : donc l’élection était nulle, par le seul fait de l’indignité d’un des prélats consécrateurs. Lucilla ayant acheté une partie des évêques réunis en concile, Cæcilianus fut déposé et le diacre Majorinus élu à sa place. Bientôt, celui-ci fut remplacé par Donat, homme actif, intelligent et énergique, qui organisa si habilement la résistance et qui incarna si bien l’esprit de la secte qu’il lui laissa son nom. Le donatisme entrait désormais dans l’histoire.

Mais Cæcilianus avait pour lui les évêques d’outre-mer et le gouvernement impérial. Le Pape de Rome et l’Empereur le reconnaissaient comme légitimement élu. D’ailleurs, il se disculpa de tous les griefs formulés contre lui. Enfin, une enquête, conduite par l’autorité laïque, démontra que Félix d’Abthugni n’était point un traditeur. Les donatistes en appelèrent à Constantin, puis à deux conciles convoqués successivement à Rome et à Arles. Partout ils furent condamnés. De plus, le concile d’Arles déclara que la qualité de celui qui confère les sacremens n’influe nullement sur leur validité. Ainsi le baptême et l’ordination, même conférés par un traditeur, étaient canoniquement inattaquables.

Cette décision fut accueillie comme une hérésie abominable