Augustin n’était pas homme à se taire, — ni à dépenser ses efforts dans de petites querelles locales. Il voyait grand, il ne s’emprisonnait pas dans les limites de son diocèse. Il savait que la Numidie et une bonne partie de l’Afrique étaient aux mains des donatistes, qu’ils avaient à Carthage un primat rival du primat catholique, qu’ils avaient même envoyé à Rome un pape de leur communauté. Enfin ils étaient le nombre. Une Église dissidente se superposait partout à l’Église orthodoxe, quand elle ne réussissait pas à l’étouffer. Il importait d’arrêter à tout prix les progrès de la secte. Nulle tâche plus pressante aux yeux d’Augustin. Il s’agissait d’abord, pour lui et ses fidèles, d’assurer leur propre existence, puisqu’on les attaquait jusque dans leurs champs et dans leurs maisons. Dès son arrivée à Hippone, comme simple prêtre, il se jeta intrépidement dans la lutte. Dès lors, il n’eut plus de cesse que le donatisme ne fût vaincu et refoulé. Rétablir partout la paix et l’unité catholiques, ce fut le grand labeur de son épiscopat.
Qu’étaient-ce donc que ces terribles donatistes, auxquels nous nous heurtons sans cesse, depuis le commencement de cette histoire ?
Il y avait bientôt un siècle qu’ils agitaient et désolaient l’Afrique. Au lendemain de la grande persécution de Dioclétien, la secte naquit et se développa avec une rapidité étonnante. Pendant cette persécution, on avait pu constater le relâchement moral de l’Église d’Afrique. Un grand nombre de laïques apostasièrent, et bon nombre de clercs et d’évêques livrèrent aux autorités païennes, avec les objets du culte, les Écritures et les archives des communautés. En Numidie, à Constantine particulièrement, des scènes scandaleuses se produisirent. La lâcheté du clergé fut lamentable. L’opinion publique flétrit du nom de traditeurs ou traîtres ceux qui avaient faibli et remis aux païens les livres sacrés.
Le danger passé, les Numides, dont la conduite avait été si peu brillante, voulurent payer d’audace et, avec une impudence superbe, prouver qu’ils avaient été plus braves que les autres. Ils se mirent à crier au traditeur contre quiconque leur déplaisait et spécialement contre ceux de Carthage et de la Proconsulaire. Au fond, c’était la vieille rivalité entre les deux Afriques, celle de l’Est et celle de l’Ouest.
Sous le règne de Constantin, la paix étant revenue, — lorsqu’il