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garder d’insulter ceux qui n’y sont pas, mais plutôt de prier, pour qu’ils entrent dans votre communion... »

Ailleurs, il rappelle à ses prêtres qu’il faut prêcher les Juifs, dans un esprit d’amour et de mansuétude, sans s’inquiéter de savoir s’ils vous écoutent avec reconnaissance ou indignation : « Nous ne devons point, dit-il, nous élever orgueilleusement contre ces rameaux brisés de l’arbre du Christ... »


IV. — CONTRE « LES LIONS RUGISSANS »

Un jour (c’était au début de son épiscopat), Augustin visitait, aux environs d’Hippone, un colon catholique, dont la fille, endoctrinée par les donatistes, venait de se faire inscrire parmi leurs vierges consacrées. Le père avait d’abord jeté les hauts cris contre la transfuge, et, pour la ramener à de meilleurs sentimens, il s’était mis à la rouer de coups. Augustin, instruit de cette affaire, blâma la brutalité du colon, déclarant que, pour lui, il ne recevrait la jeune fille dans la communauté que si elle y rentrait librement. Il s’était donc rendu sur les lieux, pour tâcher d’arranger les choses, lorsqu’en traversant un domaine qui appartenait à une matrone catholique, il rencontra un prêtre donatiste de l’église d’Hippone. Aussitôt le prêtre se mit à l’insulter, lui et ceux qui l’accompagnaient, à vociférer :

— A bas les traîtres ! A bas les persécuteurs !

Et il vomissait des abominations contre la matrone elle-même à qui le champ appartenait. Augustin, par prudence autant que par charité chrétienne, ne répondit pas. Il empêcha même les gens de sa suite de faire un mauvais parti à l’insulteur.

Ces incidens se reproduisaient presque tous les jours. Dans le même moment, les donatistes d’Hippone rebaptisaient à grand bruit un autre apostat de la communauté catholique. C’était un mauvais sujet, qui battait sa vieille mère et à qui l’évêque reprochait sévèrement cette conduite monstrueuse :

— Puisque c’est ainsi, avait riposté l’individu, je vais me faire donatiste !

Par bravade, il continuait à maltraiter la pauvre vieille, en proférant les pires menaces. Il lui criait avec une fureur sauvage :