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en beaucoup de ses écrits, à un de nos journalistes de combat. Dans ce métier souvent ingrat, il apporta une vigueur et une subtilité dialectiques extraordinaires : toujours et partout, il fallait qu’il eût le dernier mot. Il y mettait de l’éloquence, beaucoup plus encore de charité, — et, parfois même, de l’esprit. Il y mettait enfin une patience que rien ne décourageait. Cent fois il a répété les mêmes choses. Ces fastidieuses redites, à quoi le contraignait l’obstination de ses adversaires, étaient pour lui une véritable souffrance. Sans se lasser, chaque fois qu’il le fallait, il reprenait la démonstration interminable. Du moment que la vérité était en jeu, Augustin ne se reconnaissait pas le droit de se taire.

On se moquait, en Afrique et ailleurs, de ce qu’on appelait sa manie écrivante. Lui-même, dans ses Rétractations, s’épouvantait du nombre de ses ouvrages. Il méditait la parole de l’Écriture, que lui objectaient plaisamment les donatistes : « Væ multum loquentibus, malheur à ceux qui parlent beaucoup. » Mais, prenant Dieu à témoin, il lui disait : « Væ tacentibus de te !… Malheur à ceux qui se taisent de Toi !… » Les circonstances étaient telles, aux yeux d’Augustin, que le silence eût été une lâcheté. Et ailleurs il ajoutait : « On peut m’en croire si l’on veut : j’aime bien mieux m’occuper à lire qu’à composer des livres… »

En tout cas, sa modestie était évidente : « Moi-même, avoue-t-il, je suis presque toujours mécontent de ce que je dis. » Aux hérétiques, il déclarait, faisant un retour sur ses propres erreurs : » Je sais par expérience combien il est facile de se tromper. » En matière de dogmes, lorsqu’il y a doute, il ne prétend pas imposer ses explications, il les propose aux lecteurs. Que d’humilité intellectuelle dans cette prière qui termine son grand ouvrage sur la Trinité : « Seigneur mon Dieu, Trinité une, si j’ai dit, dans ces livres, quelque chose qui vienne de Toi, que Toi et les tiens le reconnaissent ! Si, au contraire, cela vient de moi, que Toi et les tiens me le pardonnent ! »

Que de tolérance et de charité encore dans ces exhortations aux fidèles de son diocèse qui, autrefois persécutés par les donatistes, brûlaient de prendre leur revanche :

— « Mes frères, la voix de votre évêque retentit à vos oreilles : il vous supplie, vous tous qui êtes dans cette Église, de vous