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Enfin, avec des paroles magnifiques, il lui chante l’hymne de la Résurrection :

« Ma fille, ton frère vit par son âme, s’il dort dans sa chair. Est-ce que celui qui dort ne se réveillera point ? Dieu qui a reçu son âme la rétablira dans son corps, qu’il lui a ôté, non pour le détruire, mais pour le lui rendre un jour... »


Cette correspondance, pourtant si volumineuse, n’est rien à côté de ses innombrables traités dogmatiques ou polémiques. Ce fut l’œuvre de sa vie, c’est par eux que la postérité l’a connu. Le théologien et le polémiste ont fini par cacher l’homme, en Augustin. Aujourd’hui, l’homme nous intéresse peut-être davantage. Et c’est un tort. Lui, il n’eût pas admis un seul instant qu’on préférât ses Confessions à ses traités sur la Grâce. Etudier, commenter l’Écriture, en tirer des définitions plus précises des dogmes, il ne conçoit point de plus haut emploi de son esprit, ni d’obligation plus importante pour un évêque. Croire pour comprendre, comprendre pour mieux croire, c’est un mouvement sans fin de l’intelligence qui va de la foi à Dieu et de Dieu à la foi. Il se jette dans ce grand labeur, sans ombre de préoccupation littéraire, avec une entière abnégation de ses goûts, de ses opinions personnelles : il s’y oublie complètement lui-même.

Une seule fois, il a songé à lui, c’est précisément dans ces Confessions, dont les modernes comprennent si mal l’esprit et où ils cherchent tout autre chose que les intentions de l’auteur. Il les composa au lendemain de son élévation à l’épiscopat, pour se justifier des calomnies répandues sur sa conduite. Il semble qu’il ait voulu dire à ses détracteurs : « Vous me croyez coupable : je le suis en effet, et plus peut-être que vous ne pensez, mais non pas comme vous pensez ! » Une grande idée religieuse transfigure cette défense personnelle. C’est moins une confession ou une excuse de ses fautes, au sens actuel du mot, que la glorification perpétuelle de la miséricorde divine. C’est moins la honte de ses péchés, que la gloire de Dieu qu’il confesse.

Après cela, il n’a plus pensé qu’à la Vérité et à l’Église, — aux ennemis de la Vérité et de l’Église : aux manichéens, aux ariens, aux pélagiens, aux donatistes surtout. Il ne laisse pas passer une erreur sans la réfuter, un libelle sans y répondre. Constamment, il est sur la brèche. On pourrait le comparer,