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publique, en vendant des amulettes et des onguens miraculeux ; puis les femmes mariées qui se refusaient à leurs maris, celles qui donnaient leurs biens aux pauvres sans le consentement de l’époux ; et aussi les vierges ou les continentes orgueilleuses, qui méprisaient et qui condamnaient le mariage.

Ensuite, la foule des âmes pieuses qui interrogeaient Augustin sur des points de dogme, qui voulaient tout savoir, tout élucider : celles qui avaient la prétention, dès ici-bas, de contempler Dieu face à face, de connaître comment nous ressusciterons, et qui demandaient si les anges ont des corps... Augustin se plaint qu’on l’importune, lui qui a tant d’autres soucis en tête, qu’on l’arrache à ses études. Mais, charitablement, il s’efforce de donner satisfaction à tous.

Ainsi, il était obligé de correspondre avec un grand nombre de personnes. Outre ses amis et ses collègues, il écrit à des inconnus et à des étrangers, à de hauts dignitaires comme à des gens d’humble condition : aux proconsuls, aux comtes et aux vicaires d’Afrique, au très puissant Olympius, le maître des offices de l’empereur Honorius ; ou encore « à la très honorable dame Maxima, » — « aux très illustres dames Proba et Juliana, » — « à la très sainte dame Albina, » qui appartiennent à la noblesse provinciale, ou à la plus haute aristocratie romaine. A qui n’écrit-il pas ?...

Et ce qu’il y a d’admirable, dans ces lettres, c’est qu’il n’y répond point à la légère, pour s’acquitter d’une obligation ennuyeuse. Presque toutes sont pleines d’un enseignement substantiel, longuement médité. Beaucoup étaient destinées à la publicité : ce sont de véritables mandemens. Néanmoins, si grave qu’en soit le ton, le lettré et le mondain d’autrefois s’y trahissent encore. Selon la mode du temps, ses correspondans accablaient l’évêque des plus hyperboliques éloges. Il les accepte avec des cérémonies, mais enfin il les accepte, comme témoignages de la charité de ses frères. Bonnement, il s’efforce de les payer de retour. Ne nous scandalisons pas trop si nos gens de lettres d’aujourd’hui ont avili la louange, à force de la prodiguer et de l’exagérer. Les plus austères contemporains d’Augustin, et Augustin lui-même, les dépassent de beaucoup dans l’art et dans l’abus de l’admiration.

Toujours élégant et fleuri, Paulin de Nole lui écrivait : « Vos lettres sont un collyre d’illumination répandu sur les yeux de