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Si quelqu’un voulait vous vendre un fonds de terre, il vous dirait : « Donnez-moi votre or ! » et, pour un autre objet : « Donnez-moi votre argent, donnez-moi votre monnaie ! » Écoutez ce que la Charité vous dit par la bouche de la Sagesse : « Mon fils, donne-moi ton cœur ! » — Donne-moi, dit-elle. Quoi donc ? « Mon fils, donne-moi ton cœur !... Ton cœur n’était pas heureux, quand il dépendait de toi, quand il était à toi, car il était entraîné par les frivolités, les amours impures et pernicieuses. C’est de là qu’il faut retirer ton cœur ! Où l’élever ? Où le mettre ? — « Donne-moi ton cœur, dit la Sagesse, qu’il soit à moi, et il t’appartiendra pour toujours !... »

Après le chant de l’amour, le chant de la Résurrection : « Cantate mihi canticum novum ! Chantez-moi un cantique nouveau ! » Augustin répète ces paroles à satiété. — « Nous voulons ressusciter d’entre les morts ! » criaient les âmes avides d’éternité. Et l’Église répondait : « Je vous le dis en vérité, vous ressusciterez d’entre les morts ! Résurrection des corps, résurrection des âmes, vous renaîtrez tout entiers ! » — Nul dogme n’a été commenté plus passionnément par Augustin. Nul ne plaisait davantage aux fidèles de ce temps-là. Sans cesse, ils réclamaient qu’on les affermit dans la certitude de l’immortalité et du fraternel revoir en Dieu.

Avec quelle allégresse intrépide il montait, ce chant de la Résurrection, dans ces claires basiliques africaines, tout inondées de lumière, sous leur parure éclatante de mosaïques et de marbres aux mille couleurs ! Et quel langage ingénu et confiant parlaient ces figures symboliques qui peuplaient leurs murailles, — les agneaux paissant parmi des touffes d’asphodèles, les colombes, les arbres verts du Paradis ! Comme dans les paraboles évangéliques, les oiseaux des champs et des basse-cours, les fruits de la terre devenaient les figures des vertus et des vérités chrétiennes. Leurs formes purifiées accompagnaient l’homme dans son ascension vers Dieu. Autour des chrismes mystiques, s’enroulaient des guirlandes d’oranges, de poires, de grenades. Les coqs, les canards, les perdrix, les flamans cherchaient leur pâture dans les prairies paradisiaques peintes sur les murs des églises et des nécropoles.

Ces jeunes basiliques étaient vraiment les temples de la Résurrection, où toutes les créatures de l’Arche sauvée des eaux avaient trouvé leur refuge. Jamais plus, dans les siècles qui