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sur les tables et sur les murs. Puis, ce sont les maladies et les pharmacopées du pays : les ophtalmies et les collyres. Quoi encore ? les tarentes qui courent, au plafond, le long des solives ; les lièvres qui débusquent tout à coup, entre les pieds des chevaux, dans les grandes plaines numides, Ailleurs, il rappelle à son auditoire les hommes qui portent une boucle d’oreille en guise d’amulette, ou bien, — comparaison parlante pour ce peuple de marins, — les associations entre commerçans et navigateurs.

Les événemens du jour, les menus faits du moment se glissent dans ses sermons. Pendant l’office d’aujourd’hui, on donne, au cirque, des courses de chevaux, ou, dans l’arène, des combats de fauves ou de gladiateurs. Et ainsi, il y aura peu de monde à la basilique : « Tant mieux, dit Augustin, cela reposera ma poitrine ! » Ou bien, on annonce, en ville, qu’on verra au théâtre des attractions sensationnelles, — un décor qui représentera la mer. Le prédicateur raille les absens qui désertent l’église pour aller contempler ce trompe-l’œil : « Ils auront, dit-il, la mer sur la scène : nous autres, nous aurons notre port en Jésus-Christ ! » — Ce samedi, pendant qu’il prêche, des femmes juives, qui fêtent le jour du Sabbat, se mettent à danser et à chanter sur les terrasses des maisons voisines. De la basilique, on entend le claquement des crotales et le ronflement des tambourins : « Elles feraient bien mieux, dit Augustin, de travailler et de filer la laine ! »

Il commente les catastrophes, qui bouleversaient alors le monde romain, et dont la nouvelle se propageait avec une étonnante rapidité : Les barbares d’Alaric sont entrés dans Rome et l’ont mise à feu et à sang ; à Jérusalem, la terre a tremblé : l’évêque Jean organise, dans toute la Chrétienté, des souscriptions en faveur des sinistrés ; à Constantinople, on a vu dans le ciel des globes de feu ; le Sérapéum d’Alexandrie vient d’être détruit dans une émeute…

Tout cela se succède, en vives images, et sans ordre apparent, dans les sermons d’Augustin. Ce n’est pas lui qui diviserait sa matière en trois points, s’interdisant de passer au second avant d’avoir doctement démontré le premier. Qu’il commente les Psaumes ou les Évangiles, ses homélies ne sont que des explications de l’Écriture, qu’il interprète tantôt dans le sens littéral, tantôt dans le sens allégorique. Avouons-le : ses