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étendus, n’étaient guère plus peuplés qu’une de nos grandes paroisses d’aujourd’hui. La situation d’un évêque était celle d’un de nos curés. Il y en avait presque autant que de villages, et on les comptait par centaines.

Quoi qu’il en soit, la prédication, véritable ministère apostolique, était une tâche épuisante. Presque tous les jours, Augustin prêchait, — et souvent, plusieurs fois par jour : rude métier pour un homme dont la poitrine était si délicate. Aussi lui arrive-t-il fréquemment de réclamer le silence de son auditoire, afin de ménager un peu sa voix. Il parlait sans apprêt, dans une langue voisine de la langue populaire. Des sténographes recueillaient ses sermons, tels qu’il les improvisait : de là des redites et des longueurs qui étonnent le lecteur non averti. Nul plan apparent dans ces homélies. Quelquefois, le temps manque à l’orateur pour développer sa pensée. Alors, il remet la suite au lendemain. Ou bien, ayant préparé un sujet, il en traite un autre, obéissant à une inspiration soudaine, frappé par un verset de l’Écriture qu’on vient de lire. D’autres fois, il en commente plusieurs passages de suite, sans le moindre souci d’unité ni de composition.

Écoutons-le dans cette basilique de la Paix, où, pendant trente-cinq ans, il n’a pas cessé d’annoncer la parole de Dieu… Le chant des psaumes vient d’expirer. À l’extrémité de l’abside, de son siège adossé au mur, Augustin se lève, et sa pâle figure se détache sur les fonds d’or de la mosaïque. De là, comme du haut d’une chaire, il domine l’assistance, par-dessus l’autel, simple table de bois, qui occupe le milieu du transept.

L’assistance est debout, les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. Entre la balustrade qui les sépare de la foule, se tiennent les veuves et les vierges consacrées, enveloppées de leurs voiles noirs ou mauves. Quelques matrones un peu trop parées se penchent aux premiers rangs des tribunes. Leurs joues sont fardées, leurs paupières et leurs sourcils empâtés de noir, leurs gorges et leurs oreilles surchargées de bijoux. Augustin les a vues : tout à l’heure, il leur fera la leçon. D’avance, l’auditoire est frémissant de sympathie et de curiosité. De toute sa foi et de toute sa passion, il collabore avec l’orateur. Il est turbulent, aussi. Il manifeste ses émotions et ses sentimens avec une entière liberté. Les habitudes démocratiques de ces églises africaines nous surprennent aujourd’hui. On y fait du bruit, comme au