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II. CE QU’ON ENTENDAIT DANS LA BASILIQUE DE LA PAIX

Essayons de voir Augustin dans sa chaire et dans sa ville épiscopale.

Nous ne pouvons guère nous les représenter que par analogie. Hippone la Royale a totalement disparu. Bône, qui l’a remplacée, en est éloignée environ d’une demi-lieue, et les débris qu’on a exhumés du sol de la ville morte sont bien insuffisans. Mais l’Afrique est riche en ruines chrétiennes, en basiliques surtout. Rome n’a rien de pareil à nous offrir. Et cela se comprend. Les basiliques romaines, toujours vivantes, se sont métamorphosées au cours des siècles, ont revêtu tour à tour les costumes imposés par la mode. Celles d’Afrique sont demeurées telles qu’elles étaient, — du moins dans leurs grandes lignes, — au lendemain de l’invasion arabe, telles que les avaient vues les yeux d’Augustin. Ce sont des ruines sans doute, quelques-unes très mutilées, mais dont nulle reconstruction n’a altéré le plan ni changé la physionomie.

Les vestiges d’Hippone et de ses églises étant effacés ou profondément ensevelis, il faut, pour nous en faire une idée approchante, nous tourner vers une autre ville africaine, qui a moins souffert du temps et des dévastations. Théveste, avec sa basilique, — la mieux conservée, la plus belle et la plus grande de toute l’Afrique, — peut nous restituer un peu de la figure, de la couleur et de l’atmosphère d’Hippone, en ces dernières années du IVe siècle.

L’antique Théveste était bien plus étendue que la ville actuelle, la Tébessa française. Celle-ci, même réduite au périmètre de la forteresse byzantine, élevée sous Justinien, étonne encore le visiteur par un aspect singulièrement original. Au milieu des immenses plaines d’alfa qui l’entourent, avec son enceinte quadrangulaire, ses chemins de ronde et ses tours trapues, elle apparaît, aussi archaïque, aussi étrange que notre Aigues-Mortes au milieu de sa lande marécageuse. Rien n’est riche et joyeux à l’œil comme la patine qui recouvre ses ruines, une véritable dorure qu’on dirait appliquée de main d’homme.

Elle a un petit temple, qui est une merveille, et qu’on a comparé à la Maison carrée de Nîmes. Mais combien les pierres