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Platon, célèbre la philosophie et l’Être suprême en des termes qui rappellent les professions de foi de notre pharmacien Homais.

Et, dans l’entourage immédiat d’Augustin, parmi les évêques ses collègues, il n’y en a pas un qu’on puisse, même de loin, lui comparer. Sauf Nébride peut-être, ses amis les plus chers, Alypius, Evodius ou Sévère, ne sont que des disciples, pour ne pas dire des serviteurs de sa pensée. Le primat de Carthage, Aurélius, administrateur énergique, caractère ferme et droit, s’il n’est pas de la taille d’Augustin, est du moins capable de le comprendre et de le soutenir. Les autres sont de braves gens, comme ce Samsucius, évêque des Tours, à peu près illettré, mais plein de jugement et d’expérience, et, à ce titre, consulté avec déférence par son confrère d’Hippone. Ou bien, ce sont des intrigans, des débauchés, des hommes d’affaires, comme ce Paulus, évêque de Cataqua, qui se lançait dans des spéculations aventureuses, fraudait le fisc et, par son train de vie fastueux, ruinait son diocèse. D’autres, parmi les donatistes, sont de véritables soudards, moitié brigands, moitié fanatiques, comme le Gildonien Optatus, évêque de Thimgad : figure anticipée du marabout musulman, qui prêche la guerre sainte contre les catholiques, razziant, tuant, incendiant, convertissant à coups de sabre et à coups de matraque.

Au milieu de ces violens et de ces médiocres, Augustin va s’efforcer de réaliser complètement le type admirable de l’évêque, à la fois père spirituel, protecteur et soutien de ses ouailles. Il s’est promis de ne rien sacrifier de son idéal de perfection chrétienne. Évêque, il restera moine, comme pendant sa prêtrise. Outre le monastère qu’il a établi dans le jardin de Valérius, et où il ne peut décemment recevoir ses hôtes et ses visiteurs, il en établira un autre dans sa maison épiscopale. Autant que les devoirs de sa charge le lui permettront, il se conformera à la règle monastique. Il priera, étudiera l’Écriture, définira les dogmes, réfutera les hérésies. En même temps, il ne veut rien négliger de sa lâche matérielle. Il a des bouches à nourrir, des biens à gérer, des procès à examiner. Il s’occupera de tout cela. Pour ce mystique et ce spéculatif, cela va être une immolation continuelle.

D’abord, donner à ces pauvres le pain quotidien. Comme toutes les communautés d’alors, celle d’Hippone devait entretenir