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vicaires, les comtes, les tribuns ou les notaires envoyés par l’Empereur, en qualité de commissaires du Gouvernement.

Nul soupçon de flatterie dans sa conduite, nulle idolâtrie du pouvoir. A Milan, Augustin avait vu la Cour d’assez près pour savoir ce que valaient les fonctionnaires impériaux. Simplement, il s’adaptait de son mieux aux nécessités du moment. Pourtant, dans le secret de son cœur, il aurait souhaité que ce pouvoir fût plus fort, afin de prêter à l’Église un concours plus efficace. D’ailleurs, ce lettré, élevé dans le culte de la majesté romaine, était d’instinct un fidèle serviteur des Césars. Homme d’autorité et de tradition, il professait que l’obéissance aux princes est une chose due : « C’est, dit-il, un pacte général de la société humaine que d’obéir à ses rois. » Dans un de ses sermons, il compare la pensée, qui commande au corps, à l’Empereur assis sur son trône, et, du fond de son palais, dictant des ordres qui mettent en mouvement tout l’Empire. Image purement idéale du souverain de ce temps-là, mais qui plaisait à son imagination de Latin ! Hélas ! Augustin n’avait pas d’illusions sur les effets des édits impériaux : il savait trop le cas qu’on en faisait, particulièrement en Afrique.

Ainsi, il n’avait guère à compter sur l’appui du pouvoir, pour la défense de la paix et de l’unité catholique. Il ne devait se confier qu’en lui-même, — et toute sa force était dans son intelligence, dans sa charité, dans son âme profondément fraternelle. Ardemment, il voulait que le catholicisme fût une religion d’amour, ouverte à tous les peuples de la terre, comme l’avait voulu lui-même son Divin fondateur. Une intelligence lumineuse et dominatrice, une charité infatigable, voilà les armes d’Augustin. Et cela suffit. Cela lui donne une supériorité accablante sur tous les hommes de son temps. Au milieu d’eux, — païens ou chrétiens, — il apparaît comme un colosse. De quelle hauteur il écrase non seulement les gens d’école, qui ont été ses confrères, — les Nectarius de Guelma ou les Maxime de Madaure, — mais les plus célèbres d’entre les écrivains de l’époque, — les Symmaque et les Ammien Marcellin ! Après la lecture d’un traité d’Augustin, on est atterré de la médiocrité intellectuelle de ces derniers païens. Le rétrécissement de leur esprit, la platitude de leur pensée est quelque chose qui confond. Même l’illustre Apulée, — qui appartient à l’âge d’or de la littérature africaine, — l’auteur de la Doctrine de