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croyaient assez forts pour mettre en interdit ceux qui n’étaient pas de leur communion.

D’un bout à l’autre de l’Afrique, la déroute du catholicisme semblait un fait accompli. Tout récemment, une seule fraction du parti donatiste avait pu envoyer trois cent dix évêques au concile de Bagaï, qui devait juger les dissidens de leur propre secte. Parmi ces évêques, celui de Thimgad, le terrible Optatus, se signalait par son zèle sanguinaire, parcourant la Numidie et même la Proconsulaire à la tête de bandes armées, incendiant les fermes et les villas, rebaptisant de force les catholiques, organisant partout la terreur.

Augustin n’ignorait rien de tout cela, et, quand il cherchait du secours du côté des autorités locales, il se disait tristement qu’il n’avait aucune aide à espérer du comte Gildon, qui, depuis près de dix ans, tyrannisait Carthage et l’Afrique. Ce Gildon était un indigène, un Maure, à qui les ministres du jeune Valentinien II avaient cru habile de confier le gouvernement militaire de la province. Connaissant la faiblesse de l’Empire, le Maure ne songeait qu’à se tailler, en Afrique, une principauté indépendante. Il favorisait ouvertement le donatisme qui était le parti le plus nombreux et le plus influent. L’évêque de Thimgad, Optatus, ne jurait que par lui, le considérait comme son maître et son « dieu. » Aussi l’avait-on surnommé « le Gildonien. »

Contre de tels ennemis, l’autorité impériale ne pouvait agir que par intermittence. Augustin le savait. Il savait que l’Empire d’Occident était dans une position critique. Théodose venait de mourir en pleine guerre contre l’usurpateur Eugène. Les Barbares, qui composaient, en majorité, les armées romaines, se montraient de plus en plus menaçans. Alaric, campé dans le Péloponnèse, se préparait à envahir l’Italie. Cependant, le tout-puissant ministre du jeune Honorius, le demi-barbare Stilicon, s’appliquait à ménager les catholiques, leur donnait l’assurance qu’il leur continuerait la protection de Théodose. C’est donc vers le pouvoir central que va se tourner Augustin. Lui seul pouvait faire régner un peu d’ordre dans les provinces, — et puis enfin les nouveaux empereurs étaient fermement attachés à la défense du catholicisme. L’évêque catholique d’Hippone va s’efforcer, en conséquence, d’entretenir les meilleures relations avec les représentans de la Métropole, — les proconsuls, les