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du prêtre d’Hippone. Le vieil évêque commença par pressentir Aurélius, le primat de Carthage, et, quand il se fut assuré du consentement et de l’appui de ce haut personnage, il profita d’une solennité religieuse, pour annoncer au peuple ses intentions.

Quelques évêques du voisinage, — parmi lesquels Mégalius, évêque de Guelma et primat de Numidie, — s’étant réunis à Hippone, pour sacrer un collègue, Valérius déclara publiquement, dans la basilique, qu’il désirait s’associer Augustin. C’était, depuis longtemps, le vœu de ses ouailles. Au fond, en réclamant cet honneur pour son prêtre, le vieux prélat ne faisait que céder à la voix populaire. Immédiatement, ses paroles furent accueillies par des acclamations. A grands cris, les fidèles demandèrent qu’Augustin fut sacré.

Seul, Mégalius protesta. Il se fit même l’écho de certaines calomnies, pour écarter le candidat comme indigne. Une telle attitude n’a rien de surprenant. Ce Mégalius était vieux (il allait mourir quelque temps après), et, comme tous les vieillards, il voyait de mauvais œil les innovations. Déjà, contrairement aux usages établis, Valérius avait accordé à Augustin le droit de prêcher en sa présence. Et voici que, par une nouvelle dérogation, il prétendait placer deux évêques à la fois sur le siège d’Hippone ! Quels que fussent ses talens, on en avait assez fait pour ce jeune prêtre, — un récent converti, d’ailleurs, et qui, chose plus grave, était un transfuge des manichéens. Que ne racontait-on pas sur les abominations qui se perpétraient dans les mystères de ces gens-là ? Jusqu’à quel point Augustin y avait-il trempé ? On clabaudait contre lui, un peu partout, à Hippone, comme à Carthage (où il s’était compromis par ses excès de zèle), dans les milieux catholiques comme dans les milieux donatistes. Défenseur jaloux de la hiérarchie et de la discipline, Mégalius accueillit sans doute avec un certain plaisir ces rumeurs malveillantes. Il y trouvait un prétexte pour faire, comme on dit, marquer le pas à Augustin. Les gens médiocres éprouvent toujours une joie secrète à humilier sous la règle commune ceux en qui ils devinent des êtres d’une autre essence que la leur.

Une des calomnies répandues contre Augustin paraît avoir trouvé créance dans l’esprit de Mégalius : il se laissa persuader que le prêtre de Valérius avait donné un philtre amoureux à