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intentions de l’ennemi. Frossard et Canrobert lui avaient indiqué qu’ils avaient devant eux 30 000 hommes de troupes et s’attendaient à être attaqués. Il s’agissait de savoir ce que valait cette nouvelle. Parmi les dépêches reçues s’en trouvait une du maréchal Le Bœuf : « Vernéville, onze heures du soir. — J’ai l’honneur de faire savoir à Votre Excellence qu’à l’heure où j’écris, je n’ai encore d’arrivé et campé autour de moi que les divisions Montaudon et Castagny avec leurs batteries divisionnaires, et, en sus de cela, mes huit batteries de réserve et le parc. L’itinéraire qui m’avait été indiqué, franchissant par un chemin étroit des ravines nombreuses, de Plappeville jusqu’à Châtel-Saint-Germain, les voitures régimentaires, toujours trop chargées, ne pouvaient franchir les pentes et arrêtaient les colonnes ; telles sont les causes de retard de mes deux divisions et de la cavalerie. Je donne des ordres pour que l’on se conforme autant que possible aux ordres de Votre Excellence, en ce qui concerne l’heure de la soupe et celle à laquelle on doit se tenir prêt à partir. Mais, si l’on doit combattre, il serait vivement à désirer que mon corps d’armée fût réuni avant de s’ébranler. Votre Excellence n’ignore pas que le 4e corps tout entier, qui devait me précéder, n’a pas fait de mouvement hier et qu’il est encore, à l’heure où j’écris, sous ou même dans Metz. Dans ces conditions de dispersion, Votre Excellence appréciera s’il ne serait pas plus utile d’attendre l’ennemi, plutôt que d’aller à lui, jusqu’au moment où tout le 3e corps sera réuni. Je préviendrai Votre Excellence au fur et à mesure de l’arrivée de mes autres troupes. Il existe naturellement en ce moment une grande trouée entre ma gauche et la droite du 6e corps. La route de Gravelotte à Mars-la-Tour n’est couverte que par l’artillerie. — P. S. : Mon quartier général est à Bagneux, à 3 kilomètres environ en avant de Gravelotte. »

Bazaine répondit à Le Bœuf, 16 août, cinq heures quinze du matin : « D’après les considérations exposées dans votre lettre de ce matin, je suspends jusqu’à cet après-midi la marche de l’armée. Veuillez envoyer les ordres les plus impératifs pour que les divisions en retard vous rallient et sermonnez les commandans des divisions en retard, principalement le général de Clérembault dont la division était encore sous Metz cette nuit. — L’intendant général Wolff, qui revient de la ligne du Nord par Longuyon, affirme qu’il n’y a pas un seul ennemi sur notre droite ; il n’y