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Grenier et Cissey y seraient-ils davantage ? Non, si on les lançait encore sur la route de Lessy après Lorencez. Ladmirault n’eut pas cette idée folle, mais il n’eut pas non plus l’idée raisonnable de chercher la route de Lorry, qui était à ses pieds. « On ne me l’a pas signalée, » a-t-il dit. C’était à lui de la découvrir. Malgré la défense de Bazaine, il résolut de gagner Doncourt par la route de Briey Woippy-Saint-Privat. Cette désobéissance n’eut aucune conséquence funeste, puisque la route de Briey, qu’on représentait comme infestée par les troupes ennemies, était libre. Il n’en fut pas de même d’une autre faute contre la discipline, qu’un vrai chef d’armée eût réprimée avec la dernière rigueur[1] et dont les conséquences furent déplorables, « Mes autres divisions, avait écrit Ladmirault à Bazaine, vont suivre. » Et, malgré cette promesse, il prescrivait aux divisions Cissey et Grenier « de ne remuer que le lendemain parce qu’elles étaient fatiguées. » Il va donc les laisser dormir en paix où elles sont ? Pas du tout, il fait abattre les tentes, rectifier les emplacemens : mesures si intempestives qu’elles soulèvent des murmures. Il les fait piétiner inutilement, il ne les pousse pas en avant, et les divisions Grenier et Cissey, pas plus que la division Lorencez, ne seront au rendez-vous le 16 au matin à Doncourt. « Si le général Ladmirault, dit le général Bonnal, s’est décidé vers six heures du soir, le 15, à employer le lendemain matin la route de Woippy-Saint-Privat pour amener le gros de son corps d’armée à Doncourt, pourquoi n’a-t-il pas commencé le mouvement le soir même de façon à réunir la majorité de ses troupes auprès de Saint-Privat avant minuit ? En opérant ainsi, le général de Ladmirault retardait peu le mouvement général, et quant aux fatigues de la marche le 15 au soir, elles n’eussent pas été plus grandes que celles qu’a supportées le 3e corps, lequel a pu atteindre avant onze heures du soir Vernéville et ses environs avec deux divisions d’infanterie. » « Ainsi tout le corps, sauf Lorencez, a constaté le colonel Picard, s’attarda jusqu’au lendemain matin dans la vallée de la Moselle, quand les chemins de Lorry et de Saulny, complètement libres, lui eussent permis de gagner le 15 Amanvillers et Saint-Privat, et de se rabattre dans la soirée sur Doncourt, suivant les instructions du maréchal Bazaine. »

  1. Général Bonnal.