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Bataille échelonnée en arrière et qui venait vers lui. Mais il ne s’avance pas, il ne tient même pas bon, il abandonne la position défensive de Mars-la-Tour d’où il pouvait s’éclairer au loin, recule sur Vionville et compromet tout le dispositif de surveillance qu’il devait assurer. Du Barail, qui était accouru au canon, voyant son camarade se retirer, s’était jugé trop en l’air et s’était éloigné, et Bataille s’arrête dans les bas-fonds de Vionville.

Frossard, quand Forton se présenta à lui à Vionville, aurait dû lui dire : « Faites donc votre métier, je veux savoir ce qu’il y a devant moi et à ma gauche ; retournez d’où vous venez, je suis derrière vous, prêt à vous soutenir et à vous suivre, ce n’est qu’à Mars-la-Tour que nous devons nous arrêter. » Au contraire, il se résigna à la reculade et, quoique ses troupes, nullement fatiguées, fussent en état d’aller jusqu’à Mars-la-Tour, but fixé à son étape, il prend lui-même son quartier de nuit à Rezonville.

Il y est à peine installé qu’un avis du maire de Gorze lui apprend que les Prussiens sont chez lui. Il ne voit rien du terrain qu’il est chargé d’observer et il sent le péril où le laisse la reculade de la cavalerie. Il se hâte d’y suppléer et prescrit au général Bataille de quitter le campement à peine établi à l’Est de Vionville et de se reporter sur la crête de la hauteur dite de la Vierge. De là il apercevra Tronville au pied de ce versant, un peu plus loin Puxieux, le chemin de Chambley ; aucune troupe ennemie ne s’avancera que sous son regard et cette position sera une forteresse dont on ne le délogera pas. Bataille,- excédé de ses allées et venues, refuse de remuer : « Je viens d’abattre les tentes et de les redresser ; vous voulez que je les abatte encore et que je me reporte à 600 mètres et peut-être recommencer après à aller ailleurs ? Mes soldats n’en peuvent plus. J’irai demain matin et j’y serai avant l’ennemi. »

Ainsi, par des manquemens inexcusables à l’obéissance et aux règles primordiales du métier, l’ordre essentiel d’occuper Mars-la-Tour dans la soirée du 15 ne fut pas exécuté et la porte que Bazaine avait voulu fermer sur l’irruption allemande resta ouverte.

A l’aile droite, Ladmirault n’était pas non plus un fidèle exécuteur de la volonté de son généralissime. Il avait repris le passage de la Moselle dans la nuit du 14 à une heure, son arrière-garde passa le 15 à dix heures, et, à onze heures, la rive droite