Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 15.djvu/507

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toute la nuit à Ladmirault l’ordre de continuer immédiatement la marche.

L’Empereur souffrant et au lit avait reçu Bazaine tout de suite. Il le félicita chaleureusement. Le maréchal raconta la bataille et montra le coup qu’il avait reçu à l’épaule : il craignait de ne pouvoir supporter les allures du cheval ; il demandait à être remplacé. L’Empereur, lui touchant l’épaule et la partie brisée de l’épaulette, lui répond : « Non, ce ne sera rien, c’est l’affaire de quelques jours et vous venez de rompre le charme. »

Bazaine communique à Napoléon III ses inquiétudes sur les journées qui allaient suivre. Il prévoyait que les Allemands, ayant trouvé les routes libres, prendraient position entre la Meuse et la Moselle et couperaient notre ligne de retraite. L’Empereur répond que, tout en s’efforçant de gagner Verdun, qu’il avait désigné comme nouvelle base d’opérations, il fallait éviter de rien livrer au hasard : « J’attends, dit-il, une réponse de l’empereur d’Autriche et du roi d’Italie. Ne compromettons pas l’armée par trop de précipitation ; évitons de nouveaux revers, afin de ne donner aux puissances, qui, lors du début des hostilités, semblaient vouloir venir à nous, aucun prétexte de se retirer. » La persistance de telles illusions désole.

En sortant de la chambre, Bazaine traverse la salle du rez-de-chaussée où la maison de l’Empereur se trouvait en train de souper. Tous les officiers viennent le féliciter en s’écriant avec chaleur : « Monsieur le maréchal, nous sommes en fâcheuse posture, vous allez nous tirer de là. — Je ferai mon possible, » répondit-il. À cheval sur le champ de bataille depuis quatre heures du matin jusqu’au soir, il prend vers une heure du matin quelques momens de repos. À trois heures, il est réveillé par un officier d’ordonnance de l’Empereur, à six, par le maréchal Canrobert, puis par Jarras, qui vient rendre compte de la disposition des troupes.

La réserve générale d’artillerie s’était mise en mouvement la première à neuf heures du soir et venait former le parc au Ban-Saint-Martin ; le 3e corps d’armée, qui avait commencé son mouvement rétrograde la veille à dix heures du soir, avait achevé le matin le passage de la Moselle et s’était massé sur les flancs du coteau de Plappeville ; le 4e corps d’armée avait repris à une heure du matin le mouvement commencé la veille à midi