Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 15.djvu/506

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas que l’étranger s’empare de ce boulevard de la France, et vous rivaliserez de dévouement et de courage avec l’armée. — Je conserverai le souvenir reconnaissant de l’accueil que j’ai trouvé dans vos murs, et j’espère que, dans des temps plus heureux, je pourrai venir vous remercier de votre noble conduite. »

A peine arrivé à Longeville, il reçoit de Bazaine une dépêche annonçant que le mouvement des troupes a commencé : « MM. les généraux Frossard et Ladmirault ont commencé leur mouvement de passage de la Moselle. Les 3e et 4e corps d’armée suivront la route de Conflans ; le 2e et le 6e la route de Verdun. La Garde et la réserve d’artillerie du général Canu suivront également cette route. J’espère que le mouvement sera terminé ce soir. Les corps ont ordre de camper en arrière des abords de ces routes, afin de les prendre demain matin, et chaque état-major doit faire les reconnaissances-nécessaires. » (Borny, 14 août, midi 50.)

Peu après, on entend le canon dans la direction de Metz. Des officiers envoyés aux renseignemens, des hauteurs du fort Saint-Quentin, distinguent nettement la fusillade sans pouvoir cependant se rendre compte des positions de nos soldats et de celles de l’ennemi. On finit par apprendre que le 3e corps d’armée commandé alors par Decaen, resté encore sur la rive droite de la Moselle, est aux prises avec l’ennemi, et que le général Ladmirault, repassant le fleuve, est venu l’appuyer par sa gauche. L’Empereur, de la terrasse de son logis, aperçoit le combat et en éprouve un violent chagrin.

On demeura dans l’incertitude sur le résultat jusqu’à l’arrivée de Bazaine qui vint, à minuit, au quartier général, en apporter le récit et s’entendre avec l’Empereur sur la conduite ultérieure. Du champ de bataille même il avait déjà pris d’urgence ses dispositions pour recommencer sans retard cette marche sur Verdun qu’il poursuivait opiniâtrement. Quoique nos troupes, debout depuis le matin, eussent grand besoin de repos, il leur en avait accordé à peine quelques heures. Cette nuit même, le passage interrompu sur la rive droite devait être repris. Au général Manèque, qui avait demandé l’autorisation de laisser reposer les troupes du 3e corps d’armée, il avait répondu par un refus formel en disant : « Il faut que nous soyons dans quatre jours à Verdun. » Des officiers d’état-major allaient porter pendant