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à intervenir sur la rire droite au cas d’un combat sérieux. De même si l’ennemi tentait une attaque sur la IIe armée par le Sud, la Ire s’y opposerait par une attaque de flanc ; les autres corps de la IIe armée continueraient leur marche vers la Moselle, et s’empareraient de Pont-à-Mousson et des passages sur la rive gauche. La cavalerie des deux armées serait poussée le plus possible et inquiéterait la retraite éventuelle de l’ennemi sur la route de Verdun.

Steinmetz, autoritaire et taciturne, ne se crut pas obligé d’instruire ses subordonnés des directions de Moltke et se contenta de s’y conformer. Il envoya à son armée l’ordre de rester sur ses emplacemens du 13 en observant les mouvemens de l’ennemi. Mais dans l’armée indisciplinée des Prussiens, personne ne se croyait tenu d’obéir et tous rêvaient d’une initiative personnelle, depuis le caporal jusqu’au général. Parmi ces inquiets de gloire, Goltz, commandant l’avant-garde du VIIe corps, était des plus agités. Excellent officier d’état-major et vaillant conducteur d’hommes, possédant la confiance de ses subordonnés, particulièrement des Westphaliens, dont il avait commandé un régiment, il ne se consolait pas, retenu qu’il avait été par les timidités de son chef Zastrow, de n’avoir pas fait merveille à Forbach. Aussi, lorsque, regardant de Laquenexy vers Metz, il aperçoit distinctement, en face de lui, nos premiers mouvemens de retraite vers les hauteurs, il ne se sent pas d’aise. Sans consulter Zastrow ni le chef de son armée, il fait rompre et dirige sa brigade sur Marsilly et Colombey (3 h. 1/2) où, par une attaque brusque, il retiendra le plus longtemps possible l’armée française en deçà de Metz ; il donnerait ainsi le temps à la IIe armée, qui franchissait la Moselle plus au Sud, de lui couper sa ligne de retraite. Non content de disposer de lui-même, Goltz se constitue, au nom de la solidarité, le chef des autres fractions. Il prévient les XIIIe et XIVe divisions et même le corps de Manteuffel et leur demande du secours. Manteuffel ne désapprouve pas son initiative ; cependant, il ne croit pas pouvoir l’appuyer et transgresser les ordres formels de Steinmetz ; les autres sont moins scrupuleux, ils s’ébranlent dès qu’ils entendent la canonnade : le canon est un généralissime, auquel il n’est pas permis de désobéir.