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vers midi et délibéra avec l’Empereur. Ni le souverain ni lui ne s’arrêtèrent alors à l’idée de se cramponner à Metz. Bazaine la jugeait déraisonnable et l’avait dit. Un désaccord se produisit : Bazaine, sortant de sa nature défensive, eût voulu profiter de l’éparpillement des deux armées allemandes, se précipiter sur la Ire armée (Steinmetz), la séparer de la IIe et gagner Frouard ; là, redevenu défensif après cette offensive heureuse, il irait s’établir sur le plateau des Hayes, forte position qu’il avait signalée depuis deux ans au ministre de la Guerre. L’Empereur au contraire était d’avis de transporter l’armée sar la rive gauche de la Moselle et de la diriger sur Verdun, puis sur Châlons, en évitant toute bataille afin de ne pas s’affaiblir. Le sentiment de l’Empereur était le seul juste. Bazaine s’illusionnait : eût-il battu Steinmetz, il n’eût pas empêché ce qui restait de la Ire et de la IIe armée, et la IIIe armée entière, séparées de peu de jours de distance, de se concentrer vivement et de l’arrêter avant qu’il eût gagné le plateau des Hayes. L’offensive eût été le salut de notre armée du 31 juillet au 2 août. Elle eût été la revanche du 6 août au 10, avant que le Prince royal fût sorti des Vosges, et que les deux autres armées eussent atteint la Moselle ; elle n’eût plus été que désastre maintenant que les trois armées allemandes se trouvaient en état de se serrer en peu de jours sur un point quelconque de la ligne de Thionville à Nancy ; elle ne redeviendrait possible, efficace, nécessaire, qu’après la réunion des forces de Bazaine et de Mac Mahon. Cette réunion était, d’après l’Empereur, le seul but à poursuivre.

Un moment l’Empereur parut concéder l’offensive, mais dans des conditions très réduites. Il écrit : « 13 août, Metz. — La dépêche que je vous envoie de l’Impératrice montre bien l’importance que l’ennemi attache à ce que nous ne passions pas sur la rive gauche ; il faut donc tout faire pour cela et, si vous croyez devoir faite un mouvement offensif, qu’il ne nous entraine pas de manière à ne pas pouvoir opérer notre passage. Quant aux distributions, on pourra les faire sur la rive gauche en restant lié avec le chemin de fer. »

Bazaine résista, et, cette fois, c’était lui qui avait raison. Une opération offensive n’avait d’utilité que si, la poussant très loin, on menait l’ennemi l’épée dans les reins jusqu’à la Nied française, peut-être au delà, et si on renonçait au passage sur la rive