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d’exécution, qui ne pouvait ni rectifier, ni vivifier dans le détail les ordres généraux qu’il recevait.


III

À l’armée du Rhin d’ailleurs, rien ne se faisait rationnellement. La manière dont s’opéra la transmission du service du major général ancien, au major général actuel, fut des plus sommaires. Le Bœuf se retira de son cabinet, Jarras y entra, et ce fut tout. Ces gens-là avaient une langue pour ne pas s’en servir. Jarras, qui était jusque-là deuxième chef d’état-major, ignorait une foule de détails qu’il aurait dû savoir et n’avait aucune idée de ce qui s’était passé dans le cabinet de l’Empereur. On ne l’en instruisit pas et il ne s’en informa pas. À peine nommé, il écrit à Bazaine : « Metz, le 14 août. — M. le maréchal Le Bœuf vient de me faire connaître, de vive voix, qu’il a cessé ses fonctions de major général de l’armée du Rhin et que, après vous avoir nommé commandant en chef de cette armée, l’Empereur m’a désigné pour remplir les fonctions de chef d’état-major général auprès de vous. Je ne fais donc qu’accomplir un devoir en vous demandant de vouloir bien me faire connaître vos ordres et, si je le fais par écrit, c’est qu’il ne m’est réellement pas possible de m’absenter en ce moment difficile de transition, où cependant les affaires ne peuvent être laissées à elles-mêmes. — En prenant vos ordres, monsieur le maréchal, je vous prie de vouloir bien me faire connaître où vous avez l’intention d’établir votre quartier général et, à ce sujet, je me permets de vous faire observer que, pour recevoir et donner des ordres, dans le plus bref délai possible, à votre armée, vous seriez peut-être mieux à Metz que sur tout autre point. C’est d’ailleurs à Metz que se trouvent tous les chefs de service avec lesquels les rapports sont de tous les instans. — Quoi qu’il en soit, j’attends vos ordres et je me tiens prêt à les exécuter, ainsi que tous les officiers de l’état-major général de l’armée, qui ont ordre de me suivre. »

Bazaine ne tint aucun compte du conseil de Jarras. Il ne jugea point convenable d’exercer un commandement à côté de l’Empereur, qui venait d’être forcé de l’abandonner et lorsque la proximité de l’ennemi exigeait sa présence sur la rive droite. Ses troupes, établies sur cette rive, faisaient face à l’invasion ; elles pouvaient à tout instant être abordées, contraintes au combat ;