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— Recevez, madame la maréchale, l’assurance de mes sentimens affectueux. » Et plus tard : « — Cowes, 17 août 1872. — Mon cher maréchal, j’ai été bien sensible à votre bon souvenir pour le 15 août, et je viens vous en remercier. Nous pensons souvent à vous, et nous ne comprenons pas sur quoi peut porter l’accusation dont vous êtes l’objet. J’espère que vos tribulations auront bientôt un terme. Ce procès prouvera que vous avez fait tout ce qu’il était en votre pouvoir de faire. Rappelez-moi au souvenir de la maréchale et croyez à ma sincère amitié. — N. »

Lors de sa condamnation, l’Empereur n’étant plus là, l’Impératrice, dans un premier mouvement d’émotion, télégraphia à Rouher : « Chislehurst. — Je suis vivement émue de la sentence. Faites savoir au maréchal Bazaine que je voudrais pouvoir adoucir ces cruels momens. »

Et Rouher écrivit à Bazaine : « Décembre 1873. — Maréchal, votre courage est au-dessus des violences humaines ; je n’ai point à essayer près de vous d’inutiles consolations. Des passions politiques implacables, des haines voilées, cette basse envie qui croit se grandir en cherchant à abaisser ce qui est au-dessus d’elle, ont égaré des convictions et entraîné la plus déplorable des sentences, non pas seulement contre vous, mais au préjudice de l’honneur et de la dignité de l’armée française, au détriment des intérêts de la patrie. Mais il ne dépend pas de quelques hommes de faire de vous un coupable, et la conscience publique indignée ne permettra pas qu’on en fasse un martyr. La vérité et la justice ne laisseront pas à la postérité le soin de détruire l’œuvre d’iniquité qui vient de s’accomplir. La réparation solennelle sera prochaine. Pour moi, au moment où ses ennemis outragent la victime, je m’honore de son amitié, je sens mon affection pour elle s’élever à la hauteur de son infortune et je prie Dieu de la protéger. »

Les violens du parti tinrent moins compte encore du sentiment de Rouher que de celui de l’Empereur. Ils avaient d’abord projeté de faire de Mac Mahon leur victime. Mais le duc de Magenta était un aristocrate, riche, bien pourvu de parenté et d’alliances, entouré d’amis, attaché à un parti puissant, et son élévation au pouvoir l’avait rendu intangible. Ils se rabattirent sur Bazaine, homme du peuple, officier de fortune, pauvre, sans parenté, sans alliances, sans amis et sans liens avec aucun parti. Ils le déchirèrent d’une dent féroce, surtout lorsque l’Impératrice,